les souvenirs
Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 40

LES SOUVENIRS

de Jean-Paul Rouve (Michel Blanc, Annie Cordy, Mathieu Spinosi)

 

michel blanc

Les acteurs hexagonaux ayant réussi leur passage derrière la caméra se comptent presque sur les doigts d’une main.
Attention, il faut entendre par réussite non pas forcément le nombre d’entrées atteint mais plutôt le sens artistique ou contenu propre des oeuvres.
Et en ce sens, Jean-Paul Rouve s’avère plus intéressant, par exemple, que Guillaume Canet.
Son nouveau-né, « LES SOUVENIRS », sort aujourd’hui en salle.
Romain, la vingtaine, rêve de devenir écrivain et travaille, en attendant, comme veilleur de nuit dans un hôtel. Suite au décès de son grand-père, il va devoir gérer son père qui vient de partir à la retraite et surtout sa mamie, mise en pension pour vieux. Cette dernière, ne supportant pas cet endroit, finit par s’enfuir…
Après ses débuts avec « SANS ARME, NI HAINE, NI VIOLENCE », biopic fictionnel sympa sur Albert Spaggiari, le cerveau du «casse du siècle», qui l’avait fasciné lorsqu’il avait une dizaine d’années, l’ex Robin des Bois a continué d’explorer son enfance via le remarquable « QUAND JE SERAI PETIT », comédie dramatique poétique flirtant avec le fantastique.
Ici, en adaptant le roman éponyme de David Foenkinos, avec qui il partage la même angoisse de l’abandon, Rouve creuse ce sillon nostalgique et signe un film tendre, sans prétention, arrivant parfois à capter la véritable dureté de la vie (rarement des personnes âgées apparaissant à l’écran ont provoqué autant de malaise et de tristesse) et parsemé de touches comiques plus ou moins réussies.
S’effaçant, l’ancien humoriste sublime ses interprètes, de Michel Blanc (sa meilleure prestation depuis des lustres mais en même temps, c’était pas difficile) à la toujours pétulante Annie Cordy (qui se souvient du charmant « TABARIN » ou bien de son apparition dans « LE CHAT » face à Gabin), en passant par Mathieu Spinosi, violoniste à la base, au potentiel certain et William Lebghil (Slimane de la série télé SODA) dans un emploi de colocataire looser savoureux.
Pas aussi abouti que « QUAND JE SERAI PETIT », faute de quelques temps morts, « LES SOUVENIRS » n’en reste pas moins un agréable moment à passer en compagnie d’un réalisateur français de qualité à la cohérence thématique pertinente.
Et ça, c’est assez rare de nos jours pour être souligné.

 

 

LES NOUVEAUX SAUVAGES

de Damian Szifron (Ricardo Darin, Oscar Martinez, Leonardo Sbaraglia)

 

les nouveaux sauvages

L’Argentin Damian Szifron, auteur auparavant de séries télés paraît-il formidables et de longs métrages absurdes, hélas inédits en salle chez nous mais valant leur pesant de cacahuètes, bénéficia d’une place en Compétition Officielle lors du dernier Festival de Cannes avec « LES NOUVEAUX SAUVAGES ».
Différents segments nous montrent les travers de l’humanité contemporaine…
Dans la faconde tradition du film à sketches italien, nous est narrée présentement une jouissive attaque en règle des institutions de nos sociétés comme la bureaucratie, le mariage ou la justice.
Evidemment les courtes histoires sont inégales et l’on pourra préférer celle opposant deux automobilistes dans un règlement de comptes hilarant et sanglant, cartoonesque, ainsi que celle sur un repas de noces qui vire au délire le plus total.
Avec la fine fleur actuelle des comédiens de l’Amérique du sud, Ricardo Darin (« LES NEUF REINES », « CARANCHO ») mais également l’épatant Dario Grandinetti ( » PARLE AVEC ELLE « ), l’amertume et la bouffonnerie des Dino Risi et Ettore Scola ressuscitent le temps de deux heures et cela fait un bien fou.
Merci aux frères Almodovar d’avoir produit ceci et comme le jury n’a pas remercié cette production d’un petit quelque chose au palmarès final, il est à craindre, mais c’est tant mieux, que les petites gens continuent encore à se venger des puissants.
Par contre, svp, messieurs-dames, en dessinant avec un crayon…

 

 

LOIN DES HOMMES

de David Oelhoffen (Viggo Mortensen, Reda Kateb, Djemel Barek)

 

LOIN DES HOMMES 2

1954. Au coeur de l’Atlas algérien, Daru (Viggo Mortensen), un instituteur apprend à lire aux fils des bergers des alentours. Tandis que la révolte gronde dans le pays, on lui amène, un matin, Mohamed (Reda Kateb), accusé de meurtre, qu’il doit escorter jusqu’à la ville voisine pour y être jugé. Commence alors un voyage semé d’embûches…
Tout était là, pourtant, sur le papier : une base de récit solide – la nouvelle d’Albert Camus, «L’hôte» – un duo d’acteurs charismatiques, associés pour la première fois, une musique confiée à Nick Cave et Warren Ellis.
Mais cela ne marche pas.
Le principal responsable : David Oelhoffen.
Non content d’être un scénariste affadissant les propos, confère le raté et récent « L’AFFAIRE SK1 », celui-ci prouve, après « NOS RETROUVAILLES », qu’il est également un metteur en scène peu inspiré, sachant certes effectuer de splendides panoramiques des paysages, mais incapable de traduire avec profondeur les enjeux exposés.
Mortensen, impeccable, fait bonne figure mais Kateb, lui, n’incarne jamais son personnage, le rendant inexistant.
Avec son potentiel seulement effleuré du doigt, « LOIN DES HOMMES », est, au final, assez loin du spectateur.

 

 

WILD

de Jean-Marc Vallée (Reese Witherspoon, Laura Dern, Gaby Hoffman)

 

WILD

Après l’excellent et dûment récompensé « DALLAS BUYERS CLUB », qu’allez donc pouvoir bien faire Jean-Marc Vallée par la suite, forcément attendu au tournant ?
Eh bien la réponse se trouve avec « WILD », inspiré d’une histoire vraie.
Cheryl Strayed, ancienne junkie, divorcée, paumée dans la vie, a décidé de se reprendre en main et, pour ce faire, entreprend une randonnée pédestre de 1600 km qui la conduira du Mexique au Canada. Ce périple, sous différentes conditions climatique allant de la canicule au froid extrême, va être l’occasion, pour elle, de se confronter à ses démons intérieurs…
Esthétiquement et thématiquement, on pourra penser à « INTO THE WILD » mais là où Sean Penn était dans la contemplation légèrement pompeuse et mortifère, Vallée est dans le mouvement quasi perpétuel.
Non, il faut plus chercher vers l’injustement vilipendé « 127 HEURES » de Danny Boyle car comme Aron, Cheryl est en quête de rédemption.
Démarrant très fort avec une séquence faisant mal, « WILD » vaut avant tout pour la prestation de Reese Witherspoon, éblouissante et, tout comme Matthew McConaughey pour « DALLAS », jamais on ne sent la performance à tout crin.
Accompagnée d’une agréable bande-son allant des Grateful Dead à Simon & Garfunkel, ce road-movie initiatique et cathartique s’essouffle cependant quelque peu au bout d’une heure (à la moitié) car voulant expliciter tous les mauvais aspects de son héroïne, l’ami Jean-Marc, même si tenant la corde techniquement jusqu’au bout, en arrive à simplifier ses états d’âmes. On aimerait en apprendre plus sur les relations avec le frère, le père ou bien la période quotidienne avec le mari.
Du coup, les motivations de Cheryl proposées, à l’exception des relations l’unissant à sa mère, nous la rendent moins «forte».
Bancal mais conseillé.

 

 

Le DVD de la semaine : « CAPITAINE KING »

de Henry King / ESC CONSEILS

couv CAPITAINE_KING_copie

Je vous vantais, il y a de cela quelques mois, l’importance et l’intérêt pour les cinéphiles, que pouvait constituer l’exhumation des fond de catalogue des grandes compagnies.
Le revers de la médaille, c’est que lorsque celle-ci n’effectue aucune restauration, c’est un peu au petit bonheur la chance.
Parmi la dernière salve pondue par ESC CONSEILS : « LA MOUSSON » (1955) de Jean Negulesco d’après Louis Bromfield, où comment le quotidien d’une colonie d’européens en Inde dans les années 30 va se trouver perturbée par l’arrivée d’un couple grossier et sulfureux (Lana Turner !) tandis que les élèments naturels se déchainent. Beau.
« LE RENDEZ VOUS DE HONG-KONG » (1955) d’Edward Dmytryk, tourné en pleine Guerre froide, narre la recherche d’un journaliste disparu, parti en reportage en Chine, par sa femme (la piquante Susan Hayward) et un aventurier (Clark Gable). Divertissant et qui rappellera aux amateurs, la bande dessinée STEVE CANYON de Milton Caniff.
Mais surtout deux productions avec un de mes acteurs préférés, Tyrone Power. « LA ROSE NOIRE » (1950) de Henry Hathaway (« PETER IBBETSON »), à la copie approximative mais à ma connaissance, seule existante. Entouré de Cécile Aubry, futur créatrice de BELLE ET SEBASTIEN et d’Orson Welles, venu comme à son habitude cachetonner, Power s’escrime dans une croisade en Terre Sainte.
La perle absolue reste cependant « CAPITAINE KING » (1953).
Aux Indes, en 1857, Alan King, né de mère hindoue et de père anglais, s’est engagé dans l’armée britannique et obtient une compagnie. Son ami d’enfance, Karram Khan, avec qui il a été élevé, et le considérant comme un frère, est le chef des rebelles, luttant pour expulser les colons. Une lutte sans merci s’engage alors…
Henry King, grand maître du vieil Hollywood, au même titre qu’un Walsh (une allusion rigolote est à trouver dans le film) mais n’ayant jamais vraiment bénéficié de la même reconnaissance critique, retrouve là Tyrone Power avec qui il fit au moins deux chefs-d’oeuvre absolus, « LE CYGNE NOIR », admirable film de pirates et « LE BRIGAND BIEN AIMÉ » figeant Jesse James dans l’éternité.
Grâce à un superbe technicolor dû à l’immense chef-opérateur Leon Shamroy (« BUFFALO BILL » de Wellman, « CLÉOPÂTRE » de Mankiewicz, « LA PLANÈTE DES SINGES », version avec Charlton Heston) et sur une musique caractéristique de Bernard Hermann (le compositeur, notamment, attitré d’Hitchcock), King livre une splendeur exotique, tour à tour, virevoltante, grave, intense et bénéficiant de la présence de Tyrone Power, sue lequel je reviendrai une prochaine fois, entouré de Terry Moore, principal attrait féminin (qui donnera des cours d’aviation bien plus tard à Leonardo DiCaprio pour « AVIATOR »), de Michael Rennie (l’extraterrestre du « JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA ») et de Guy Rolfe dans une de ses performances les plus mémorables en méchant de service, magnétique à souhait.
Issu d’un des écrits de Talbot Mundy, l’égal de Kipling pour ma part, et dont John Ford avait déjà bouclé une version, « CAPITAINE KING » est un joyau, comme ceux de la couronne de la reine Victoria, qui régnait jadis.
Je vous avais dit deux chefs-d’oeuvre nés du tandem King/Power.
En vérité, trois.

 

capitaine king 2

 

011

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *