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Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 41

UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS

de James Marsh (Eddy Redmayne, Felicity Jones, Charlie Cox)

 

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Certains furent marqués par Hubert Reeves, d’autres, tel votre serviteur, par Stephen Hawking.
Non dans l’immédiat par ses travaux mais, avant tout, par son aspect physique.
Je devais avoir dans les huit ans et c’était la première fois que je me confrontais, via un poste de télévision, à quelqu’un en fauteuil roulant (Raymond Burr et L’HOMME DE FER suivirent peu après).
J’étais effrayé.
Effrayé mais intrigué.
Bien des années plus tard, ma peur ne m’a pas quitté et, lorsque j’ai appris qu’un biopic partiel allait lui être consacré, a redoublé au vu du niveau assez médiocre qui résulte généralement de ces adaptations des vies de sommités sur grand écran.
Enfin, il y a une quinzaine de jours, je pris mon courage à deux mains et me confronta à « UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS », aujourd’hui en salle.
Angleterre. 1963. Stephen, brillant étudiant en astronomie, quitte Oxford pour Cambridge afin de préparer une thèse de doctorat portant sur la cosmologie théorique. Il y rencontre Jane, une consoeur spécialisée en langue étrangère et l’épouse. Commençant alors à développer une maladie neuronale atteignant les muscles, le diminuant lourdement et qui risque de le conduire inexorablement à une paralysie quasi totale des membres, il parvint néanmoins à développer de nouveaux concepts scientifiques révolutionnaires. Face à l’aggravation du mal, le couple décide de faire face envers et contre tout…
Exit les explications tarabiscotées sur le Big Bang et autres trous noirs (une seule séquence où l’on voit Hawking, soutenant son mémoire, exposant les principales idées de façon claire et concise) car l’intérêt de cette tranche de vie est ailleurs.
Adaptant le bouquin écrit par la compagne initiale du prodige britannique handicapé, James Marsh (l’excellentissime « SHADOW DANCER » sur la lutte entre catholiques et protestants en Irlande du Nord), comme à son habitude, sort joliment des sentiers balisés.
Avec finesse et pertinence, il explore les relations compliquées entre un homme atteint dans son intégrité, adulé par ses collègues et auteur de best-sellers, et sa femme (Félicity Jones, surprenante) vivant dans l’ombre de son mari, pourtant dévouée corps et âme. Du moins, jusqu’à un certain point.
Sans utiliser de trop grosses ficelles même si il flirte parfois avec, le réalisateur parvient à nous émouvoir, aidé par des comédiens au diapason, et ce malgré l’époustouflante performance d’Eddy Redmayne dans le rôle-titre, au mimétisme confondant et qui en fait le gagnant incontesté (après les Golden Globes) des prochains Oscars, rapport à son challenger le plus crédible, détaillé dans le long métrage critiqué ci-dessous.
Et puis touchant d’observer que ce savant obnubilé par trouver l’équation qui expliquerait tous les mystères de notre monde, échoue à appréhender celui qui régit son quotidien.
Ca y est, je ne suis plus effrayé.

 

 

FOXCATCHER

de Bennett Miller (Channing Tatum, Steve Carell, Mark Ruffalo)

 

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Bennett Miller est un cinéaste à part dans le paysage américain actuel.
Un de ces cas qui, de projet en projet, surprend.
Dans « TRUMAN CAPOTE », son film le moins réussi malgré la prestation de feu Philip Seymour Hoffman, il versait dans le biopic intimiste. Avec « LE STRATÈGE », où Brad Pitt trouvait là un de ses meilleurs rôles, il arrivait à passionner sur les transferts du base-ball. Voici qu’avec « FOXCATCHER », en Compétition Officielle cannoise l’an passé, il aborde la relation entre un milliardaire et deux frangins champions sportifs.
Mark Schultz (Tatum), médaillé d’or olympique de lutte, est invité par le richissime John du Pont (Carell). Ce dernier a entrepris d’installer dans la vaste maison familiale un camp d’entraînement high-tech en vue de remporter les jeux de Séoul de 1988. Mark, supportant mal de vivre dans l’ombre de son aîné Dave (Ruffalo), également titré et coach, accepte de suivre du Pont dans son ambition…
Tiré d’une histoire vraie, ce drame est un éblouissement à plus d’un titre.
D’abord, l’acuité d’un scénario bien plus subtil qu’il n’y paraît où, par le biais de ce personnage central opulent, héritier d’une lignée ayant fait fortune au fil du XIXème siècle, nous est livré un terrible constat d’échec de toutes ces puissantes familles d’outre-Atlantique engoncées dans leurs carcans moraux, symboles de traditions séculaires, empêchant tout épanouissement individuel.
Ensuite, l’interprétation générale où survole surtout celle de Steve Carell, complètement à contre-emploi, pathétique. Il faut le voir, légèrement grimé, incarner ce malheureux nabab en quête d’une reconnaissance perpétuelle de sa mère et de ses pairs, bouger, évoluer dans l’écran, prononcer ses phrase avec tact, douceur et parfois fermeté tel un aigle aux aguets, solitaire et triste.
Enfin, la mise en scène (Miller en remporta le Prix lors du palmarès final), s’avérant, sous des faux airs de solennité, au contraire redoutable d’efficacité, en harmonie avec le discours tenu.
Certains confrères ne manqueront pas de souligner avant tout un sous-texte homosexuel aux relations unissant les trois protagonistes principaux, mais ils se trompent et sont manifestement passés à côté d’une oeuvre brillante.
Ne faites donc pas comme eux.

 

 

TAKEN 3

de Olivier Megaton (Liam Neeson, Maggie Grace, Forest Whitaker)

 

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Bryan Mills est de retour.
Après s’être coltiné sévère avec des mafieux albanais dans les précédents opus, les réduisant en charpie, faisant moultes veuves épleurées, quels fous peuvent bien maintenant lui en vouloir ?
La réponse est dans « TAKEN 3 ».
Mills, ex-agent spécial, doit répondre du meurtre de sa femme. A tort. Pourchassé par l’inspecteur Dotzler, il n’aura de cesse de mettre la main sur les véritables coupables tout en protégeant sa fille…
Bon, concernant le scénario, Besson et sa clique, une fois de plus, repasseront (aucune surprise) car l’intrigue est grillée au bout d’un quart d’heure.
Alors oui, Liam Neeson castagne toujours avec vigueur, les rides en plus mais quelle classe, reconnaissons-le.
Forest Whitaker, à la ramasse, poursuit sa traversée du désert.
Techniquement, c’est Olivier Megaton qui s’y colle et après les désastreux « LA SIRÈNE ROUGE », « COLOMBIANA » et « TAKEN 2 », le pire de la série, il rehausse légèrement le niveau.
Que demande le peuple ?
Rien de plus.
Snif, snif.

 

 

LISTEN UP PHILIP

de Alex Ross Perry (Jason Schwartzman, Elisabeth Moss, Jonathan Pryce)

 

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Philip est écrivain. A l’approche de la sortie de son second roman, nerveux et pas cool avec sa petite amie, il part d’isoler dans la maison de campagne de son idole…
Sorte de Woody Allen du pauvre, shooté par un parkinsonien en rémission et malgré Jason Schwartzman échappé de chez Wes Anderson, « LISTEN UP PHILIP » s’avère une perte de temps qui, par définition, est précieux.
Chose que n’a pas compris le dénommé Alex Ross Perry.

 

 

Le DVD de la semaine : « LE PASSÉ SE VENGE »

de Robert Florey / SIDONIS-CALYSTA

 

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Parce qu’il n’y a pas que les westerns dans la vie, et même si il fait un boulot souvent admirable dans le genre, l’éditeur SIDONIS-CALYSTA, depuis quelques temps, s’est diversifié via de nouvelles collections dont une consacrée à la science-fiction et l’autre – celle qui nous intéresse cette semaine – au thriller d’antan sous toutes ses formes.
« IMPITOYABLE » (1948) d’Edgar G.Ulmer (« LE CHAT NOIR » et d’autres sur lesquels on ne dira jamais assez de bien), narre l’ascension fulgurante d’un fils de prolétaire dans le domaine de la finance, bientôt à la tête d’un véritable empire. Poignant mais faisant preuve d’une certaine férocité de par les dialogues, voici en quelque sorte l’ancêtre du « LOUP DE WALL STREET » de Scorsese avec Zachary Scott (souvent cantonné dans le registre des méchants élégants) qui serait un grand-père très crédible à Jordan Belfort.
Barbara Stanwyck, elle, est étincelante, atteinte de tuberculose, partégé entre son docteur et un playboy dans « L’ORCHIDÉE BLANCHE » (1947) d’André De Toth, grand maître de la série B (« LA CHEVAUCHÉE DES BANNIS » et ses sublimes paysages neigeux, « L’HOMME AU MASQUE DE CIRE »), qui prouve avec cet impeccable drame, et comme si il était encore besoin de le répéter, l’aisance avec lequel le plus célèbre des borgnes au côté de Ford, Lang, Ray et Walsh, aborda tous les registres.
L’incontournable de cette salve : « LE PASSÉ SE VENGE ».
Eddie Rice, vétéran décoré de la seconde guerre mondiale, suite à une blessure, est devenu amnésique. Son médecin lui conseille de se rendre dans la ville où il habitait avant le conflit afin de rencontrer des gens qui l’auraient connu et, ainsi, tenter de se souvenir. Une fois sur place, notre soldat malheureux se trouve rapidement traqué par des truands…
De son titre original, « THE CROOKED WAY » est une réussite et un cas typique de ce que l’industrie d’alors (nous sommes en 1949) pouvait enfanter lorsque plusieurs talents se trouvaient réunis.
Plusieurs personnes sont à créditer :
– Benedict Bogeaus, le producteur, qui n’avait pas son pareil pour associer des gens d’obédience différente et remporta souvent la mise, confère tous les productions sous la houlette d’Allan Dwan, « QUATRE ÉTRANGES CAVALIERS » et le délicieusement pervers « DEUX ROUQUINES DANS LA BAGARRE » en tête.
– John Alton, immense directeur de la photo, véritable génie du noir et blanc, et assez remarquable également en couleur, à qui l’on doit, entre autres chefs-d’oeuvre, « LA PORTE DU DIABLE » et « INCIDENT DE FRONTIÈRE » d’Anthony Mann, « UN AMERICAIN À PARIS » de Minnelli – ce qui lui valu un oscar – ou encore « ASSOCIATION CRIMINELLE » de Joseph H. Lewis. Une de ses particularités, et ce qui lui valu de se faire renvoyer à l’occasion des plateaux de tournage par les gros Studios, est qu’il adorait travaillé en équipe réduite (en dessous du minimum syndical) et avait besoin de peu se source de lumière, d’où le reproche de ne pas assez mettre en valeur les stars. Justement, ce parti pris esthétique lui permettait de composer chaque scène, chaque plan, comme des tableaux et rarement des pavés battus par la pluie ne furent plus beaux.
– Robert Florey, derrière la caméra, un français, qui, comme Maurice Tourneur, parti faire carrière aux USA, mais lui y resta. Sa filmographie est éloquente des Marx Brothers à Bela Lugosi en passant par Peter Lorre. Habile technicien, là, il eût l’intelligence de se mettre au service de John Alton et de diriger avec efficience ses comédiens dont le hiératique John Payne, la charmante Ellen Drew et Sonny Tufts qui mourut d’alcoolisme.
Copie globalement satisfaisante même si il subsiste quelques légers défauts
En bonus, présentation comme à l’accoutumée, enrichissante, de Bertrand Tavernier et d’autres plus anecdotiques de Patrick brion et François Guérif.
Procurez-vous donc ce « PASSÉ SE VENGE », car, étrange paradoxe, ce film sur l’amnésie reste gravé dans la mémoire.

 

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