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Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 34

QUAND VIENT LA NUIT

de Michaël R. Roskam (Tom Hardy, Noomi Rapace, James Gandolfini)

 

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Dennis Lehane est un auteur de polars psychologiques comme on les aime.
Très ironique et usant de légèreté stylistique, il se complait dans des intrigues délétères.
Hollywood l’adopta très vite et lui rendit plus ou moins justice.
« MYSTIC RIVER » de Clint Eastwood fait partie du top.
« SHUTTER ISLAND » de Scorsese, en revanche, c’est le flop total (le vénérable Martin n’a rien compris à l’essence du livre pour un des ses rares échecs artistiques).
« QUAND VIENT LA NUIT » de Michaël R. Roskam est à l’affiche aujourd’hui.
Dans les bas-fonds de Brooklyn, la mafia tchétchéne règne sur un système de blanchissement d’argent basé sur des bars-dépôts. Les propriétaires sont toujours prévenus au dernier moment, évitant comme cela toute fuite. Bob Saginowski (Hardy), un barman d’un troquet populaire, « Chez Marv’s », du nom de son cousin (Gandolfini) avec qui il fait tourner la boutique pour la pègre, regarde tout cela de façon blasée. Mais le braquage de leur établissement et sa rencontre avec Nadia (Rapace), une ancienne femme battue, vont provoquer un déclic…
Michaël Roskam s’est fait connaître, en 2011, par le biais de « BULLHEAD », thriller glauque sur fond de trafic d’hormones en Flandre, aux indéniables qualités mais échouant à tenir la distance et qui révéla ouvertement l’imposant Matthias Schoenaerts (« DE ROUILLE ET D’OS »).
Se tentant, comme d’autres, l’expérience outre-Atlantique, Roskam s’est associé à Lehane, développant une de ses nouvelles.
Ce qui frappe avant tout, c’est l’extraordinaire sensation de pesanteur qui flotte en continu, nous happant directement et nous permettant d’adhérer, ou non, à chaque caractère évoluant devant nos yeux.
Une autre force, c’est celle d’éviter toute mièvrerie quant aux scènes apportant un peu de tendresse dans ce monde abattu où règne, cependant, un mince espoir.
Cela passe surtout par un chiot battu ramassé par ce Bob solitaire dans une poubelle et décidant de l’élever. Le fait qu’il s’agit d’un pitbull n’est pas innocent et l’on ne pourra s’empêcher d’y noter une métaphore sur tous les hommes masculins présents dans le métrage.
Tom Hardy est bluffant, le regretté James Gandolfini et Noomi Rapace assurent, Matthias Schoenaerts est impeccable.
En dépit d’un retournement qui tombe légèrement comme un cheveu sur la soupe, Roskam le Belge n’arrête pas de jouer avec les attentes du spectateur, s’approprie les codes du genre en en faisant quelque chose d’unique, comme Don Siegel (« L’INSPECTEUR HARRY ») en son temps.
Toujours sur le fil du rasoir, il exécute, brillamment, un numéro d’équilibriste,
Chapeau l’artiste !

 

 

[REC] 4

de Jaume Balagueró (Manuela Velasco, Paco Manzanedo, Héctor Colomé)

 

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En 2007, le monde entier, stupéfait, découvrit [REC], une des productions d’horreur les plus marquantes du nouveau millénaire qui montrait, en caméra subjective, suite à une alerte, une équipe de journalistes accompagnant des pompiers et des policiers dans un immeuble chic de Barcelone où l’indicible les attendait.
Ensuite, il y eut [REC] 2, formidable suite directe du premier, explicitant ladite menace (des zombies assoiffés de sang) du terrain scientifique vers le théologique.
Après un troisième épisode médiocre, sous-titré «Génesis», se déroulant lors d’un mariage à des km de distance du lieu de l’original, mais au même moment et censé montrer que l’épidémie est partout, voici maintenant l’ultime opus, [REC] 4, intitulé « Apocalypse ».
En envoyant des experts en explosifs détruire le vieux bâtiment où le mal a frappé, ceux-ci tombent nez-à-nez avec Angela, la reporter du départ, seule rescapée. Aussitôt mise en quarantaine, on l’envoie sur un bateau de haute sécurité, naviguant en pleine mer, pour subir plusieurs test médicaux afin de trouver un éventuel remède…
Jaume Balagueró et Paco Plaza, comptant parmi les figures de proue du renouveau du cinéma fantastique espagnol, étaient ensemble à l’initiative des deux premiers volets. Chacun décida par la suite de faire son propre segment.
Plaza déçut, donc, avec un [REC] 3, plus ouvertement tourné vers la comédie.
Balagueró, lui, nous donna, auparavant, un bel hommage à Hitchcock via un suspense pervers, « MALVEILLANCE ».
Ici, hélas, il loupe complètement le coche en signant une oeuvre à l’exact opposé de ce qui fait l’intérêt des deux premiers chapitres.
Aucun sentiment de claustrophobie, peu de tension, une mise en scène assez paresseuse, des clins d’oeil, voire des emprunts (les chimpanzés !) à des classiques comme « BRAINDEAD » de Peter Jackson, mais ne servant à rien si ce n’est de meubler un scénario ultra-balisé, des dialogues risibles, une fin ridicule.
On appelle ça un naufrage.

 

 

FAVELAS

de Stephen Daldry (Wagner Moura, Selton Mello, Rooney Mara)

 

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Dans un bidonville de Rio, deux garçons, Rafael et Gardo, travaillant dans la décharge du coin, trouvent un portefeuille contenant une carte et la clé d’une consigne de gare. Quelques heures plus tard, la police locale arrive et offre une grosse récompense à qui leur remettra le porte-monnaie. Intrigués, nos jeunes héros, bientôt rejoints par leur ami Rato, un paria vivant dans les égoûts, décident de partir à la recherche du propriétaire de l’objet tant convoité par les autorités…
Tel pourrait-on résumer « FAVELAS », le nouveau Stephen Daldry, le réalisateur de « BILLY ELLIOT ».
Généralement, Daldry, honnête technicien, j’y vais un peu à reculons connaissant la propension du bonhomme à vouloir nous émouvoir à tout prix, prêt à sortir les violons même si cela ne marche pas (« THE READER ») ou pêchant par manque de finesse (« EXTREMEMENT FORT ET INCROYABLEMENT PRES »).
Que ne fut donc pas mon étonnement à la vision de cette très agréable adaptation du roman TRASH du Britannique Andy Mulligan, best-seller pour les enfants.
Accentuant un peu la noirceur, via le personnage de l’inspecteur ripoux, incarné solidement par Selton Mello, acteur brésilien inconnu chez nous mais star en Amérique du Sud, le responsable de « THE HOURS » livre un joli conte, transcendé par ses juvéniles interprètes, non-professionnels, charismatiques au possible et évite tout misérabilisme ou caricature mal venue (ce qui était le cas, dans un registre pas si éloigné sur la victoire des pauvres, de l’insupportable « SLUMDOG MILLIONAIRE »).
Bénéficiant de plus d’une photo particulièrement réussie, tour à tour chaude et froide, refusant tout aspect «carte postale», ainsi que de la participation de Rooney Mara et de Martin Sheen, en missionnaires évangélistes, ajoutant une étrangeté à l’ensemble, « FAVELAS » s’avère fort recommandable.

 

 

RESPIRE

de Mélanie Laurent (Joséphine Japy, Lou de Laâge, Isabelle Carré)

 

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Charlie (Japy), a 17 ans, l’âge de braver les interdits, de flirter, de boire, de sortir. Timide, elle fait la connaissance d’une nouvelle venue dans sa classe, Sarah (de Laâge). Celle-ci est belle, ne manque pas d’aplomb et devient vite la coqueluche du bahut. Charlie va s’enhardir à ses côtés sans se douter des malheurs qui l’attendent…
Mélanie Laurent devant la caméra, on s’en tape.
Mélanie Laurent, derrière, c’est « LES ADOPTES », essai anecdotique que la distribution (Denis Ménochet) sauvait du désastre absolu.
Sur un canevas convenu et mieux traité ailleurs, « RESPIRE » montre, néanmoins, d’évidents progrès.
Grâce à Lou de Laâge (pourquoi ne suis-je plus lycéen ?) et à Joséphine Japy, ça passe assez bien.
Ce n’est pas pour autant que les poules ont des dents.

 

 

Le DVD de la semaine : « MACBETH »

de Orson Welles / CARLOTTA

 

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Shakespeare et le 7ème art, c’est une longue et palpitante histoire d’amour qui débute dès 1898 et se poursuit encore de nos jours, confère, récemment, l’étonnant « CÉSAR DOIT MOURIR » des frères Taviani.
Des ratages (« PEINES D’AMOUR PERDUES » de Branagh) et des chefs-d’oeuvres (« LE CHÂTEAU DE L’ARAIGNÉE ») se sont ainsi succédé au fil des ans.
Un cinéaste, plus particulièrement, s’est battu toute son existence afin de transposer à l’écran les écrits du père d’HAMLET : Orson Welles.
CARLOTTA, éditeur de dvd indispensable (mais est-il encore besoin de le rappeler), vient de sortir ses versions d’« OTHELLO » et de « MACBETH » en coffrets collector ou disponibles à l’unité en double galette.
Datant de 1952, « OTHELLO » a mis quatre années pour aboutir avec un tournage en Europe et en Afrique du Nord.
On ne reviendra pas sur l’horrible machination de Iago (ici campé par Michéal MacLiammóir, complice théâtral du créateur de « CITIZEN KANE ») un officier militaire, poussant le Maure (Orson Welles), général vénitien, à devenir dingue de jalousie envers sa femme Desdémone (la ravissante franco-canadienne Suzanne Cloutier, à la carrière météorique) et finissant par la tuer.
Sachez juste que Welles accouche d’un métrage passionnant à décortiquer, avec des cadrages incroyables pour l’époque, shooté dans les sublimes décors d’Alexandre Trauner (qui n’ont rien à envier à ceux qu’il fit pour « LES ENFANTS DU PARADIS »), à l’interprétation en demi-teinte d’Orson (seul vrai bémol à l’ensemble) et au sens général soumis à de libres interprétations.
Copie magnifiquement restaurée et bonus pénétrants.
Mais attardons-nous sur le « MACBETH ».
Sir William coucha cette tragédie sur le papier en 1606.
S’inspirant du véritable roi des Pictes qui régna en Ecosse au XIème siècle et mêlant nombre d’éléments surnaturels, nous est décrite, d’abord, l’accession brutale au pouvoir de Macbeth, chef de l’armée du roi Duncan, qui assassine ce dernier, poussé par sa femme et la prophétie de trois sorcières, puis sa déchéance progressive.
Outre la vision de Polanski en 72, celle, libre, de Kurosawa et bientôt une nouvelle due à Justin Kurzel (le poisseux et sidérant « LES CRIMES DE SNOWTOWN ») avec Michael Fassbender et Marion Cotillard (!), celle d’Orson Welles, de 1948, se pose là.
Jouissant d’un budget modeste, le fondateur du Mercury se surpasse et, dans un environnement constitué essentiellement de carton-pâte, parvient à nous captiver de A à Z.
S’arrogeant le rôle principal, le démiurge américain délivre une performance inoubliable, épaulé en cela par Jeanette Nolan, saisissante lady Macbeth et la plupart du reste du cast. Ouvertement expressionniste (le travail génial sur la lumière de John L Russell), jouant sur la profondeur de champs et les contre plongées, situant souvent les protagonistes par rapport au ciel (et donc au divin ou du moins au magique), voici un grand film fou sur la folie et la corruption du pouvoir.
Là aussi, un gros boulot de restauration et de nombreux bonus dont, notamment, une analyse amusante et instructive du comédien Denis Lavant, des interventions de Jean-Pierre Berthomé, spécialiste du la scénographie, des séquences thématiques commentées et les différences entre les deux versions, celle de 48 (l’intégrale) et celle de 50 (studio).
Welles disait de Shakespeare qu’il était le « sel de la vie ».
Raffiné.

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