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Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 71

EVEREST (3D)

de Baltasar Kormákur (Jason Clarke, Josh Brolin, John Hawkes)

 

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Les films ayant trait à l’alpinisme ne furent pas légion au cinéma, mais dans la plupart des cas, ils s’avérèrent assez marquants.
Peu de gros déchets.
Déjà, sous le Muet, Arnold Fanck – le spécialiste du genre – en 1926, nous donna avec le superbe « LA MONTAGNE SACRÉE » (évidemment rien à voir avec le délire ultérieur mystico-philisophique d’Alejandro Jodorowski), une ode à la nature avec la future égérie du nazisme, Leni Riefenstahl, qui se trouve au centre de la convoitise de deux escaladeurs.
En France, tout d’abord, « PREMIER DE CORDÉE » de Louis Daquin, sous l’Occupation, en 1944, dans des décors naturels (une exception à l’époque où la quasi totalité des productions étaient tournées en studio), exaltait les vertus de la famille et le dépassement de soi, et, plus récemment, l’inégal « VERTIGE » d’Abel Ferry, qui commence comme un trip entre potes partis en randonnée et se termine dans l’horreur absolue.
Hollywood n’est pas en reste et l’on peut citer le prenant « LA SANCTION » de Clint Eastwood, adaptant Trevanian, « CLIFFHANGER » de Renny Harlin – un des très bons Stallone – et l’honnête « VERTICAL LIMIT » de Martin Campbell.
Dernier projet mis en chantier par le mythe américain, « EVEREST » de Baltasar Kormákur, islandais.
L’Islande n’est certes pas le pays le plus fécond du monde en matière de 7e art mais ce serait oublier que ce petit état nous donna Gunnar Hansen, acteur qui restera à jamais dans les mémoires pour avoir incarné Leatherface, le tueur brutal au masque fait de peau humaine de « MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE ».
Venant donc d’un pays où il neige abondamment la moitié de l’année, Kormákur a t’il réussi à sublimer le fameux sommet de l’Himalaya ?
En 1996, Rob Hall, guide réputé et alpiniste aguerri, gagne sa vie en organisant des excursions pour de simples amateurs. Cette fois, lui et le groupe qu’il doit emmener tout en haut du « toit du monde », vont se heurter à une violente tempête…
Tiré de l’ouvrage autobiographique de Jon Krakauer, journaliste pour le magazine « Outside », qui relate son ascension lors de l’expédition dramatique au cours de laquelle le véritable Rob Hall a perdu la vie ainsi que neuf autres personnes, voici un bien curieux objet qui laisse une impression mitigée.
Autant de par l’implication des comédiens et les conditions extrêmes auxquelles toute l’équipe a été soumise (tournage à 4 000 mètres d’altitude pour coller le plus possible à la réalité), quelque chose d’incroyablement crédible se dégage de l’entreprise, mais pour ce qui est du versant émotionnel, d’empathie avec les protagonistes, c’est une autre paire de manches.
Les quelques moments intimes décrivant le background des personnages et leurs motivations, atones – en deux phrases, pour certains, c’est expédié, voire inexistant (Scott Fisher, joué par Jake Gyllenhaal, pourtant important, rival et ami de Rob Hall) – n’aident pas tellement à aider le spectateur à s’intéresser à cette aventure humaine, qui devrait être hors-norme sur la toile et qui ne l’est pas.
Sans véritablement traiter la montagne comme un personnage à part entier en dépit de quelques louables séquences, les plus belles, les plus accomplies mais hélas les plus rares, le réalisateur de « 2 GUNS » avec Denzel Washington – mais surtout de tout une série d’excellents polars tournés dans son pays d’origine – échoue en partie à transcender son thème favori et habituel (l’homme confronté à un élément naturel hostile), hésitant sur le ton général à donner, ne réussit pas à allier le spectaculaire et l’intime.
En privilégiant lourdement le second au détriment du premier, Baltasar Kormákur livre une oeuvre inaboutie, parfois proche de l’ennui mais traversée de quelques fulgurances.
Honnête à défaut d’être grandiose.

 

 

LES DEUX AMIS

de Louis Garrel (Golshifteh Farahani, Vincent Macaigne, Louis Garrel)

 

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Les « fils de » dans l’industrie hexagonale connaissent des destins divers.
Certains disparaissent, comme le regretté Guillaume Depardieu.
D’autres poursuivent le même sillon que leur illustre aîné, le talent en moins, comme Thomas Langmann.
Et d’autres dans la droite lignée que leurs glorieux prédécesseurs, tentant de porter haut et fort les couleurs familiales, comme Louis Garrel.
Louis Garrel.
Pendant longtemps, un acteur qui m’a horripilé avec ses poses, son phrasé.
Puis je m’y suis progressivement fait sans toutefois me pâmer d’admiration devant l’ensemble de sa carrière qui se poursuit, comportant de très bonnes choses (« MA MÈRE », « UN CHÂTEAU EN ITALIE ») et de moins bonnes (« SAINT LAURENT », « LES COQUILLETTES »).
Et puis, d’un coup, il a décidé de passer derrière la caméra tout en continuant d’être également devant.
Tout pour devenir schizo ?
Non, car ce n’est bien sur pas le premier à s’essayer à l’exercice (Eastwood, Ben Affleck, Jean-Pierre Mocky, Ferrara, Woody Allen, Dupontel..).
Voici donc « LES DEUX AMIS », présenté à la Semaine de la Critique, à Cannes, en mai dernier.
Mona travaille dans une sandwicherie de la Gare du Nord. Clément, faisant de la figuration dans des longs métrages, est fou amoureux d’elle et ne cesse de venir la déranger sur son lieu de boulot. Il demande à son unique et meilleur ami, Abel, de l’aider à la séduire. Mais nos deux compères ignorent tout du secret de Mona qui la handicape dans sa vie de tous les jours…
Bourrée de références allant de Truffaut à Claude Sautet en passant par John Cassavetes, cette libre adaptation des « Caprices de Marianne » d’Alfred de Musset fait la part belle à son casting : Golshifteh Farahani (« MY SWEET PEPPER LAND »), est lumineuse, le soldat Louis dans son emploi habituel de blasé, légèrement narcissique et manipulateur, assure.
Mais celui qui les dévore, que l’on retient avant tout, c’est Vincent Macaigne, porte-étendard de cette nouvelle génération de cinéastes frenchies qui a débarqué voici trois ans, les Antonin Peretjako, les Justine Triet et autre Yann Gonzalez.
Macaigne, c’est un peu un mélange de Patrick Dewaere (dont il lui rend hommage présentement lors d’une scène hilarante) et de Gérard Depardieu, le tandem des « VALSEUSES » à lui tout seul.
Dans ce registre tragi-comique, il fait des merveilles.
La seule note négative provient d’une tare souvent inhérente à un premier long : des problèmes d’écriture (volonté de vouloir trop courir de lièvres à la fois) nuisant au rythme de l’ensemble, et qui se traduit par une poignée de scènes inutiles ou too much (la danse dans le bar).
Malgré cela, séduisant.

 

 

MÉMOIRES DE JEUNESSE – TESTAMENT OF YOUTH

de James Kent (Alicia Vikander, Kit Harington, Taron Egerton)

 

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L’histoire vraie de Vera Brittain, modèle de femme brillante, indépendante, étudiant à Oxford, infirmière durant la Première Guerre mondiale, pacifiste et devenant écrivain décrivant les horreurs des conflits.
En dépit du côté soigné et de la présence d’un des héros de la série « Game of Thrones », pas grand chose à se mettre sous la dent.
2 h 10 ennuyeux.
Mais quand arrêteront-ils de sortir des téléfilms de luxe fades sur grand écran ?
QUAND ?

 

 

PREMIERS CRUS

de Jérôme Le Maire (Jalil Lespert, Gérard Lanvin, Alice Taglioni)

 

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Charlie Chevalier, jeune oenologue réputé parisien, chaque année, sort des guides où ses notes concernant les vins sont attendus expressément par la professions. Il a de qui tenir vu que son père est un producteur dont les crus de Bourgogne sont légendaires. Ou plutôt était car celui-ci a perdu le goût de faire du vin depuis que son fils est parti et que sa femme l’a quitté. Accumulant les dettes, menant l’exploitation familiale au bord de la faillite, la seule condition qu’il a de s’en sortir est de trouver quelqu’un qui accepte de se porter garant et qui relance l’entreprise. Après des hésitations, Charlie revient au bercail et tente de relever le défi…
Pétri de bons sentiments, doté d’une facture estampillée France 3 Région et aux péripéties ultra balisées qu’un malvoyant verrait venir à 2 km, ce suspense viticole (y arrivera t’il ou pas à rétablir la situation) assure le stricte minimum syndical grâce à l’association plutôt efficace de Jalil Lespert et Gérard Lanvin.
Aucun intérêt d’aller claquer votre pognon en salle.
Attendez éventuellement son passage tv en dégustant une bouteille de derrière les fagots.
Ce sera déjà ça.

 

 

Le DVD de la semaine : « TEMPÊTE SUR LA COLLINE »

de Douglas Sirk / ELEPHANT FILMS

 

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Généralement lorsqu’on évoque Douglas Sirk, on parle de mélodrames flamboyants.
Remis au goût du jour depuis peu, alors que les vrais amateurs (tels Pascal Thomas ou Todd Haynes), les purs, le vénèrent depuis des lustres – je remercie à ce propos Patrick Brion qui me l’a fait découvrir il y a une vingtaine d’années, avec, si mes souvenirs sont exacts, « LE SECRET MAGNIFIQUE ».
Depuis, devenu un de mes cinéastes de chevet – je le place au même niveau que Julien Duvivier – je n’ai eu de cesse de me procurer tous les Sirk qui pouvaient me tomber sous la main, sa période américaine bien sur (pas que des mélos car le western, le péplum et le film d’aventures ont été pareillement abordés) mais aussi sa période précédente, allemande, avant qu’il ne fuit le nazisme comme Lang et d’autres.
Il m’en manquait quelques-uns et voici qu’ELEPHANT FILMS, éditeur de dvd au catalogue éclectique et presque irréprochable pour tout cinéphile qui se respecte, en plus de ressortir deux perles du monsieur (« LE TEMPS D’AIMER ET LE TEMPS DE MOURIR » et « LA RONDE DE L’AUBE »), édite un titre que je n’avais jamais vu.
Lors d’intempéries sans précédent, les habitant du village de Rheims trouvent refuge dans le couvent situé en haut d’une colline avoisinante. La soeur Mary fait l’admiration de tous avec son grand coeur. Au coeur de la nuit, soudain, arrivent Valérie Carns, condamnée à mort pour l’empoisonnement de son frère, et ses gardes qu’une inondation obligent à s’arrêter au monastère avant de pouvoir poursuivre leur chemin à destination de Norwich où la meurtrière doit être exécutée. Soeur Mary, en la rencontrant, est tout de suite persuadée de son innocence et va entreprendre de la sauver…
Ce « TEMPÊTE SUR LA COLLINE » porte bien son nom car nous assistons à une tempête des émotions intérieures qui, comme souvent chez Sirk, dictent les actions de ses héros pour le pire et le meilleur, avec la rédemption comme hypothétique récompense.
Dans un noir et blanc somptueux – dû à William Daniels, opérateur de génie qui fit la totalité des Greta Garbo entre 26 et 39 – tout à tour expressionniste et gothique (la « Hammer » n’est pas loin), nous sommes confrontés en réalité à un thriller où tous les aspects religieux sont relégués au second plan ou alors habilement assimilés.
A l’aide de mouvements d’appareil et de composition de plans sidérants, notre danois d’origine signe une merveille dont néanmoins il n’était pas pleinement satisfait.
Nous sommes en 1951 et Detlef Sierck – son véritable nom – n’a pas encore à son actif ses chefs d’oeuvres que sont « TOUT CE QUE LE CIEL PERMET », « ÉCRIT SUR DU VENT » et les autres qui se succèdent.
Il se fait la main, pourrions-nous dire, n’ayant pas encore son équipe technique habituelle.
Pour ce qui est des comédiennes, plus importantes que leurs confrères masculins, Claudette Colbert (« NEW YORK – MIAMI »), un peu âgée, porte admirablement la soutane et irradie grâce à Daniels qui parvint à la rajeunir, tandis que la météorique Ann Blyth (« LE ROMAN DE MILDRED PIERCE ») est en proie aux tourments.
Copie splendide avec, en bonus, une pertinente analyse et introduction de Jean-Pierre Dionnet, autre thuriféraire du maître.
Signalons toujours chez ELEPHANT, d’autres galettes à se procurez absolument.

« SIMBA » (1955) de Brian Desmond Hurst, sur la révolte des Mau-Mau qui mirent à feu et à sang le Kenya, ces nationalistes extrémistes n’hésitaient pas à tuer les colons britanniques en signe de rébellion dans les Fifties.

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Frappant de noirceur et de violence sèche, et ce dès l’ouverture, voici un rare cas d’un film tourné au même moment que les évènements qu’il relate.
Dirk Bogarde est formidable en propriétaire d’une ferme, désireux de venger son frère massacré par les Mau-Mau.
A ses côtés, la jolie Virginia Mckenna (« MA VIE EN MALAISIE »). Ell deviendra ultérieurement une fameuse militante écologiste.
En artisan chevronné, Desmond Hurst, metteur en scène irlandais passionnant – à qui l’on doit notamment, « SCROOGE », la meilleure version d' »Un conte de Noël » de Dickens et l’excellent « LE PRISONNIER DU TEMPLE » sur le court règne de Louis XVII – éblouit.

« BOZAMBO » (1935) de Zoltan Korda, prenant pour cadre le Nigeria où la contestation gronde face à l’administration anglaise du Commissaire Sanders (Leslie Banks, venant d’exploser dans « LA CHASSE DU COMTE ZAROFF ») qui s’allie avec le valeureux chef de tribu Bozambo (Paul Robeson, immense chanteur noir) pour pacifier le territoire.
Raciste (rappelons-nous le contexte de l’époque) mais haletant.
Le réalisateur de la mouture du « LIVRE DE LA JUNGLE » de 1942 (avec l’éternel Sabu), fait encore des prodiges.

Attention, que ce soit Sirk ou le reste, vous risquez ne pas vous en remettre.
Alors foncez !

 

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