SEX TAPE
de Jake Kasdan (Cameron Diaz, Jason Seigel, Rob Corrdry)
Curieuse la carrière de Cameron Diaz car de ses débuts avec « THE MASK » au récent « TRIPLE ALLIANCE », elle a, certes, souvent interprété des bimbos naïves et charmantes, voire parfois vulgaires mais pas que.
En effet, elle aurait pu décliner ad nauseam le même registre comme le font beaucoup de ses consoeurs. Mais ce serait oublier une poignée de rôles plus profonds comme cette professeur de littérature en proie à une menace extraterrestre dans le tétanisant « THE BOX » de Richard Kelly ou encore la propriétaire pugnace d’un club de football américain de « L’ENFER DU DIMANCHE » d’Oliver Stone.
Avec « SEX TAPE », nous sommes quelque peu à la croisée des deux.
Annie tient un blog à succès sur les petits tracas de la vie et autres conseils intéressant la gent féminine. Mariée depuis dix ans à Jay et mère de deux enfants, elle se remémore leur rencontre et toute la fougue sexuelle qu’ils déployaient alors. Ayant perdu progressivement la fantaisie dans leur couple, ils décident, pour ranimer la flamme, de filmer leurs ébats. Le hic, c’est que la vidéo en question a été envoyé par mégarde à leur entourage familial et professionnel. Dès lors, ils vont s’employer à faire disparaître l’enregistrement chez chacun des destinataires…
Le cinéaste Jake Kasdan reforme le tandem de son « BAD TEACHER » où l’inoubliable héroïne de « MARY À TOUT PRIX » incarnait une enseignante destroy, se foutant de ses élèves et Jason Segel (« 5 ANS DE RÉFLEXION ») un prof de gym ayant le béguin.
Cette fois Cameron évolue dans un registre également comique mais demeure plus en retenue, laissant le versant dynamique à l’impayable Segel qui campe son mari et aura fort à faire avec un chien de garde au cours d’une longue course-poursuite dans une immense villa.
Manque d’ambition et trop de gentillesse pour cette comédie «made in USA» mais qui se laisse, néanmoins, suivre agréablement grâce à l’abattage de ses comédiens principaux.
NEAR DEATH EXPERIENCE
de Benoit Delépine et Gustave Kervern (Michel Houellebecq, Marius Beltram, Manon Chancé)
Sur le papier, Michel Houellebecq chez Delépine et Kervern s’annonçait prometteur. En effet, on connait la propension des auteurs d’« AALTRA » et de « MAMMUTH » à mettre en avant les marginaux et les décalés.
Paul (Houellebecq donc) est un employé de plateforme téléphonique qui décide un jour de prendre son vélo et de partir vers l’inconnu. Commence alors un périple existentialiste censé expliquer son mal-être profond…
Hélas, force est de reconnaître que la mayonnaise ne prend pas.
Malgré la sincérité évidente de l’entreprise et l’envie louable de changer de registre, nos trublions grolandais, avec ce « NEAR DEATH EXPERIENCE », déçoivent par trop de sérieux, ne leur convenant guère.
Fainéants comme ils l’étaient déjà quelque peu avec « LE GRAND SOIR », abusant de musique classique et de plan fixe un poil trop longuet sans signification particulière, le duo Delépine/Kervern se repose avant tout sur le lauréat du Goncourt 2010, minimaliste à souhait, et qui apparaît, étrange paradoxe, comme le plus désincarné des personnages de leur univers.
Certaines des paroles professées en voix-off et quelques idées de mise en scène séduisent mais cela reste bien trop maigre pour ce long-métrage qui, à défaut d’être un bon film, ferait, en revanche, un excellent livre.
GEMMA BOVERY
de Anne Fontaine (Gemma Arterton, Fabrice Lucchini, Jason Flemyng)
Martin (Fabrice Lucchini), ancien éditeur parisien, a changé de vie et s’est installé dans un village normand où il est devenu boulanger. N’ayant jamais pu assouvir totalement son envie d’écrire, il garde, cependant, une grande capacité à imaginer des situations et un amour pour la grande littérature du XIXème, Flaubert en tête. Un beau matin, de nouveaux arrivants s’installent dans le voisinage, Charles et Gemma Bovery. Martin ne peut alors s’empêcher d’être troublé sur cette coïncidence et commence à fantasmer sur la situation…
La filmographie d’Anne Fontaine attire d’ordinaire la sympathie, avec quelques franches réussites comme « COMMENT J’AI TUÉ MON PERE » ou « MON PIRE CAUCHEMAR » et d’autres à nuancer comme « NATHALIE » ou « COCO AVANT CHANEL ».
En vérité, son cinéma vaut ce que valent les acteurs utilisés.
Et ici, c’est un des problèmes.
Adaptant le roman graphique de l’anglaise Posy Simmonds, dont une de ses oeuvres a déjà été mise sur grand écran par Stephen Frears avec le délicieux « TAMARA DREWE » où Gemma Arterton jouait également de ses formes avantageuses, la réalisatrice fait son vrai premier faux-pas.
Employer Lucchini dans son registre habituel de bourgeois poético-lunaire ne passe pas présentement, faute d’originalité, et plombe l’ensemble.
Outre la présence lumineuse de miss Arterton, jamais le désir ressenti par les différents protagonistes à son égard n’arrive à s’incarner de façon convaicante.
Ajoutons-y quelques lourdeurs de situation et nous obtenons un pur produit à destination du public «bobo». Une audience pas si large et si diversifiée que cela et souvent prévisible dans son exigence.
FESTIVAL : FEFFS 2014
Commençant d’abord par diffuser tout un pan de l’horreur gothique anglaise des « sixites » issu des vénérables studios HAMMER, l’association strasbourgeoise des Films du Spectre décida, en 2008, de créer le FESTIVAL EUROPEEN DU FILM FANTASTIQUE DE STRASBOURG. Cette manifestation a acquis au fil des ans une réputation grandissante dans son domaine. Du 12 au 21 septembre prochain, se déroulera la septième édition.
Entre un hommage dédié à Tobe Hooper (président du jury) et une impeccable rétrospective consacrée au diable sur la toile (ne manquez pas « NIGHT OF THE DEMON » de Jacques Tourneur et « THE BLACK CAT » avec Bela Lugosi, d’après la vie d’Alistair Crowley), de nombreuses projections de longs et courts métrages se succéderont.
Dans la compétition officielle, d’un excellent niveau général malgré la présence de quelques brebis galeuses comme « THE POOL », voici, pour ma part, les immanquables :
« HOUSEBOUND » de Gerard Johnstone.
Nous arrivant tout droit de Nouvelle-Zélande, ce thriller comico-horrifique arrive parfaitement à mêler les différents genres auxquels il se réfère via les péripéties d’une jeune délinquante, assignée à domicile chez sa mère qu’elle ne supporte pas et persuadée que sa maison est hantée. Elle devra convaincre son entourage, la plupart incrédule, que quelque chose ne tourne pas rond dans le quartier.
Drôlissime et surprenant à plus d’un titre, porté par le charme canaille de Morgana O’Reilly, inconnue chez nous, un sérieux prétendant au prix du public qui ne manquera pas d’y retrouver un côté Peter Jackson des débuts. D’autant qu’il s’agit là d’une première oeuvre.
« DER SAMURAI » de l’allemand Till Kleinert (qui sera présent) a aussi, on lui souhaite, de sérieuses chances de figurer au palmarès comme cela fût le cas, en avril dernier, lors de la huitième édition de Mauvais Genre, le festival international de cinéma de Tours, où il remporta le prix du jury et le prix du jury jeune.
Ce récit, opposant, dans un village germanique reculé un jeune policier à un homme vêtu d’une robe blanche et armé d’un sabre, est un éblouissement et sidère par la radicalité de son propos. Une proposition de cinéma unique et rare par les temps qui courent.
« AMOURS CANNIBALES » de Manuel Martin Cuenca est l’espagnol de la sélection.
Digne représentant de la vitalité actuelle de l’industrie cinématographique ibérique, ce portrait d’un tailleur réputé d’une bourgade proche des Pyrénées, aimant les femmes à sa façon, est assez glaçant et porté par une impeccable prestation de Antonio de la Torre, irrésistible clown méchant du « BALADA TRISTE DE TROMPETA » d’Alex de la iglésia.
Attention, le rythme lent peut déstabiliser ou lasser, mais ce serait une erreur car tout est là.
Il y a également « WHITE GOD » de Kornel Mundruzco, une des révélations non usurpées du dernier festival de Cannes, mais nous y reviendrons, lors de sa sortie dans les salles hexagonales, en décembre.
Concernant la section « Midnight Movies » :
« KNIGHTS OF BADASSDOM » de Joe Lynch, un pastiche des jeux de rôle grandeur nature, qui fît la clôture de Mauvais Genre 2014.
« ZOMBEAVERS » de Jordan Rubin, avec ses castors devenus morts-vivants suite à la fuite d’un bidon contenant un liquide radioactif sur un barrage de nos chers rongeurs. Sympa comme tout et sans prétentions, une petite série B fun avec le genre de casting que l’on aime : des nanas bien roulées, un peu nunuches, des hommes veules et idiots à souhait.
« DEAD SNOW 2 : RED VS DEAD » de Tommy Wirkola.
Je fais sûrement partie d’une infime minorité qui avait détesté le premier opus. Autant dire que de savoir qu’une suite était en chantier, votre serviteur était aux anges !
Hé bien, j’avais tort car cette sequelle du retour de nazis morts-vivants venus défendre leur trésor de guerre caché et massacrant tout ce qui bouge, est assez formidable.
Commençant à peu près là où le premier opus se finissait, le seul survivant du raid précédent des zombies, outre s’être fait greffer le bras magique du chef de ces derniers, devra ressusciter d’autres créatures, soviétiques celles-ci, pour contrecarrer les adorateurs putrides d’Adolphe.
Autrement plus jouissif que le numéro 1 et nettement plus gore, des maquillages et effets spéciaux particulièrement impressionnants, au vu du budget, achèvent de faire de ce « DEAD SNOW 2 » un des incontournables de cette édition.
www.strasbourgfestival.com
La semaine prochaine, notamment, « SIN CITY 2 : J’AI TUÉ POUR ELLE », le raté de Frank Miller et Robert Rodriguez.