UNDERCOVER – UNE HISTOIRE VRAIE
de Yann Demange (Matthew McConaughey, Richie Merritt, Bel Powley)
Aux USA, la notion de self-made-man a permis à nombre d’escrocs ou d’opportunistes de tout bord de voir le jour dans les salles obscures, et ce pratiquement dès les origines de cet art que nous aimons tant.
Personnages réels ou pures inventions de scénaristes, qu’ils soient marchand d’armes, vendeurs de drogue, proxénètes et autres, tous abusent de la crédulité et/ou s’imposent par la force.
S’ils n’ont pas toujours d’adversaires clairement identifiables, leur plus grand ennemi reste eux-mêmes et la chute n’est jamais loin.
Citons pour exemple « L’ENNEMI PUBLIC » (1931) du passionnant William A. Wellman avec James Cagney en roi de la pègre, Gene Hackman qui fait la pluie et le beau temps dans ‘IMPITOYABLE » de Clint Eastwood, « LE LOUP DE WALL STREET » dans lequel Leonardo DiCaprio campe un bel héros scorsesien, ou encore le colonel Kurtz d' »APOCALYPSE NOW ».
La liste est longue tant les exemples sont légion.
Yann Demange, français expatrié en Angleterre, auteur de la délirante série tv DEAD SET (un plateau de télé-réalité est envahi par des zombies) et surtout d’un excellent premier long « ’71 » qui narrait la survie d’un soldat britannique poursuivi par l’IRA dans les rues de Belfast, revient ici avec son second travail pour le grand écran.
S’intéressant à l’univers des stupéfiants via probablement le plus jeune baron de la drogue ayant jamais existé – répondant au surnom de White Boy Rick – confirme t’il ?
Détroit, 1984. Tandis que le crack fait des ravages dans la cité, Richard Wersche Jr, 14 ans, va progressivement s’élever socialement en infiltrant d’abord un fameux gang de dealers noirs pour le F.B.I puis en devenant lui-même un trafiquant notoire opérant pour son propre compte…
Utilisant de nouveau le talent du chef opérateur Tat Radcliffe, Demange intègre le décor comme figure essentielle du récit – comme il l’avait déjà fait avec les rues de la capitale de l’Irlande du Nord.
Avec des mouvements précis et en apesanteur de la caméra à la « GOMORRA » de Matteo Garrone et utilisant une palette de couleurs vives et contrastées, notre frenchy de service immerge le spectateur dans ce drame fort, tendre et rempli d’humanité, sans jamais juger les protagonistes, et servi par un casting de comédiens de haut vol dont Matthew McConaughey, bouleversant en père de Rick à la ramasse, égoïste et rancunier, mais paradoxalement bouée de sauvetage de son fils et spécialement de sa junkie de fille – au cours d’une scène nocturne fort touchante.
Mais celui qui irradie chaque plan où il apparaît est un inconnu, repéré dans un lycée, Richie Merritt, une révélation de par sa candeur et sa détermination affichée.
« UNDERCOVER – UNE HISTOIRE VRAIE » (titre idiot rapport à l’original, « WHITE BOY RICK ») est un formidable voyage dans le temps, à cette époque bénie des eighties – costumes et bande son impeccables ici – ou la fin des utopies de la décennie précédente laissait peu à peu la place à l’émergence du capitalisme sauvage, froid et cynique qui allait secouer le monde.
Janvier commence fort.
LES TOPS/FLOPS 2018
Ce classement ne concerne que les oeuvres sorties dans les salles.
FLOPS 2018 :
10 – « DEATH WISH » de Eli Roth
9 – « UN COUTEAU DANS LE COEUR » de Yann Gonzalez / « REVENGE » de Coralie Fargeat
8 – « EVERYBDY KNOWS » de Asghar Farhadi
7 – « FLEUVE NOIR » de Eric Zonca
6 – « YOMEDDINE » de A. B. Shawky / « DONBASS » de Sergei Loznitsa
5 – « AQUAMAN » de James Wan / « DEADPOOL 2 » de David Leitch / « BLACK PANTHER » de Ryan Coogler / « VENOM » de Ruben Fleischer
4 – « THE HOUSE THAT JACK BUILT» de Lars Von Trier
Podium :
3 – « LES CONFINS DU MONDE » de Guillaume Nicloux / « LE GRAND BAIN » de Gilles Lellouche
2 – « LA NONNE » de Corin Hardy
1 – « PENTAGON PAPERS » / « READY PLAYER ONE » de Steven Spielberg
TOPS 2018 :
10 – « BUMBLEBEE » de Travis Knight / « MISSION IMPOSSIBLE – FALLOUT » de Christopher McQuarrie
9 – « BURN OUT » de Yann Gozlan
8 – « HOSTILES » de Scott Cooper
7 – « LE MONDE EST À TOI » de Romain Gavras / « EN LIBERTÉ » de Pierre Salvadori
6 – « SALE TEMPS À L’HÔTEL EL ROYALE » de Drew Goddard
5 – « LES INDESTRUCTIBLES 2″ de Brad Bird / « SILENT VOICE » de Naoko Yamada
4 – « THE SHAPE OF WATER » de Guillermo del Toro
Podium :
3 – « PHANTOM THREAD » de Paul Thomas Anderson
2 – « CLIMAX » de Gaspar Noé / « GUY » de Alex Lutz
1 – « LETO » de Kirill Serebrennikov
Nous verrons bien si, côté cinoche, 2019 sera l’année de la teuf…