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Interviews

Sylvie Attucci : Toucher l’Autre…

Elle est de tous les vernissages et sur bien des concerts, souvent l’appareil photo en bandoulière, produisant ensuite des galeries de photos où l’on découvre son œil précis et amoureux des gens et des arts. Si la photographie, la littérature et l’écriture font partie de ses passions, la peinture en est une autre, qu’elle pratique depuis longtemps, et qu’elle s’est enfin décidée à dévoiler, lors de 2 expositions en 2014, l’une chez la plasticienne Zazü, l’autre à la Chapelle Sainte Anne, avant cette troisième lors d’Ateliers Mode d’Emploi, invitée par la photographe Nikita. L’occasion de découvrir un univers puissant qui invite à bien des voyages, tant terrestres qu’intérieurs.

Les 4 et 5 octobre chez Nikita
5, rue du docteur Fournier 37000 TOURS

Sylvie Attucci
Sylvie Attucci
Sylvie Attucci

 

Tu as par ailleurs un métier…

Je suis maître de conférences en biochimie, qui est la chimie de la vie ! Je suis une scientifique aussi par passion. Mais j’ai toujours peint et dessiné, j’ai eu de la chance de grandir dans un milieu où la culture et l’éducation étaient encouragées, où l’on m’accompagnait d’un regard bienveillant. J’ai eu aussi une grande période de sculptures, et j’écris beaucoup. L’écriture est indissociable de la peinture, de la même façon qu’elle est indissociable de mon métier d’enseignant-chercheur.

Quelles sont les passerelles entre la rigueur scientifique et la créativité ?

J’ai toujours considéré mon métier décloisonné des autres disciplines. Il m’arrive régulièrement de citer à mes étudiants des ouvrages de littérature. C’est un métier qui demande beaucoup de rigueur, mais j’ai toujours pensé qu’il y avait une part de créativité, même si elle est mise à mal depuis pas d’années, car aujourd’hui on privilégie la recherche appliquée par rapport à la recherche fondamentale. Il n’empêche que sans recherche fondamentale, il n’y pas de recherche appliquée… La recherche fondamentale est un peu celle des chercheurs du temps passé, et j’ai cette conception de la recherche. N’oublions pas que pendant des années les départements scientifiques des universités étaient associés aux départements des arts : ce n’est pas pour rien ! L’essence même de mon métier est là. La recherche comme la peinture demandent du temps, un regard. C’est un cheminement intérieur, mais à l’intention des autres, donc humaniste. Les grands chercheurs ont passé leur temps à observer le vivant, c’est aussi cette philosophie que j’ai retrouvé dans les arts martiaux que j’ai longtemps pratiqués.

Qu’est-ce qui t’a décidée à enfin exposer ?

Je ne supportais plus de voir mes peintures s’empiler, j’ai eu besoin qu’elles vivent et pour cela elles avaient besoin d’aller à la rencontre des autres, toucher l’Autre. Je privilégie avant tout le regard, comme dans mon activité de photographe. J’ai eu besoin d’aller proposer mes peintures au regard des autres, qu’elles deviennent des entités et vivent leur propre vie. Que je leur dise : « Bon vent, bon voyage ! ».

Est-ce qu’il y a des clés pour décrypter tes peintures ? Qui sont assez sombres au premier regard…

Il n’y a pas d’intention. C’est une peinture majoritairement abstraite, souvent sans titres – sauf par exemple les « Land-escape » qui vont être exposés chez Nikita. Mon ami et écrivain Jacques Perry Salkow a été frappé par la liberté qui s’en dégageait. D’autres m’ont parlé de Victor Hugo – quelle belle référence ! Si j’en reviens à mon métier où le mental est extrêmement puissant, la peinture, c’est lâcher ce mental. Quelques chose s’exprime qui est dissocié du mental.

La recherche comme la peinture sont des activités solitaires. Tu es dans une démarche psychanalytique ?

Non, pas du tout. C’est une démarche poétique, à travers les émotions et la spiritualité. Mais ce chemin artistique est aussi un chemin de recherche, un chemin de vie, et là encore mes deux activités se rejoignent.

Que t’a procuré le fait d’exposer ?

De la richesse, beaucoup d’émotions et d’échanges : l’œuvre d’art rassemble. Je prends beaucoup de plaisir à regarder le regard des gens. Même si j’ai eu une timidité terrible au début face au regard des artistes que je suis depuis longtemps.

La littérature et la poésie ne sont jamais loin… Quels sont les poètes qui t’embarquent ?

Avant tout Guillevic, ce poète de la mer, des rochers, de la minéralité, de l’émotion, de la solitude. La Bretagne me fait vibrer, ses paysages, et toujours la mer, cette terre remplie de légendes.

Tu es une grande lectrice, et tu écris aussi. Pour la chanteuse Véronique LP, par exemple.

Oui, j’ai lui ai écrit des textes qu’elle utilise en intermèdes pour son spectacle « D’un jour à l’autre ». Comme le texte Territoires Lyriques, du nom d’une de mes peintures, où j’évoque ces monstres sous- marins que sont les Léviathan – nos monstres intérieurs.

Ta communauté scientifique est au courant de ton activité de peintre ?

Non, c’est paradoxal, car je parle de décloisonnement, mais je reste discrète et secrète… Le milieu artistique est une forme de liberté, c’est ma bouffée d’oxygène…

 
Propos recueillis par Marie Lansade

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