Christiane-Beuzelin
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Rencontre avec Christine Beuzelin

Alors que Parallèle(s) va bientôt fêter ses 7 ans d’actualités culturelles locales, il nous a semblé intéressant d’aller à la rencontre de cette nouvelle venue qui – et c’est une grande nouveauté à Tours – portera la double casquette d’adjointe à la culture ET à la communication.

Après les années Germain qui laissent un bilan en demi-teinte sur le plan culturel, l’arrivée d’une toute nouvelle équipe à l’Hôtel de Ville suscite forcément beaucoup d’attentes. Les grandes orientations budgétaires n’ayant pas encore été définies au moment de notre entretien, nous avons d’abord voulu connaître la personne, son parcours et son point de vue sur la politique et quelques dossiers importants de la vie culturelle locale.

[Exclu web] Parallèle(s) : D’où venez-vous ?

Christine Beuzelin : J’ai pour habitude de dire que je ne viens de nulle part, car j’ai beaucoup et régulièrement déménagé dans ma vie, en raison du métier de mon père qui était magistrat. Je suis née en Afrique «noire», région du monde à laquelle je reste encore aujourd’hui très attachée et je suis arrivée en métropole à l’âge de 15 ans. Mon père est auvergnat, ma mère parisienne. Mon mari étant architecte, j’ai continué à souvent déménager avec lui aussi. Après nous être lassés de la vie parisienne, nous sommes arrivés en Touraine en 1999.

[Exclu web] Parallèle(s) : Votre mari a des attaches familiales à Tours ?

Christine Beuzelin : Oui, même si c’est une famille originaire des Antilles. Michèle Beuzelin a été Adjointe à l’époque de Jean Royer, députée en 1994 et également conseillère générale de 1973 à 1997.

[Exclu web] Parallèle(s) : Quel a été votre parcours professionnel ?

Christine Beuzelin : J’ai fait des études de droit, que j’ai poursuivies jusqu’au doctorat à Bordeaux, avec une spécialisation en droit du travail. Des amis étaient en train de créer une agence de communication et m’ont entraînée dans l’aventure : je n’ai pas terminé ma thèse et je suis restée plus de 20 ans dans cette agence parisienne. J’ai donc été une «TGViste» pendant quelques années, entre Tours et Paris.

[Exclu web] Parallèle(s) : Vous n’avez pas regretté ce choix particulier de quitter un très haut niveau de droit pour partir de zéro dans la com ?

Christine Beuzelin : Non. C’était le début des années 80, une époque où tout était beaucoup plus simple qu’aujourd’hui en terme d’entrepreneuriat, j’ai vraiment été très séduite par cette idée, je ne me suis pas posé de questions. Pour ma part, j’ai principalement géré les relations entre les clients et le studio de création.

[Exclu web] Parallèle(s) : Troisième étape dans votre carrière, la politique. Vous avez démarré quand ?

Christine Beuzelin : Lorsque nous sommes arrivés à Tours en 1999 j’ai eu envie de m’impliquer dans la municipalité, dans la vie locale, mais pas spécialement côté politique. J’ai tout de même été sur la liste de Donnedieu de Vabres en 2000, principalement en raison de mon patronyme. Nous avons perdu. J’ai par la suite pris ma carte à l’UMP, parti que j’ai quitté assez rapidement, il y a cinq ans.

[Exclu web] Parallèle(s) : Il y a une raison particulière à ce départ ?

Christine Beuzelin : Cela ne me convenait plus. De toute façon, le principe-même du parti politique ne me convient pas. Personne n’est tout blanc ou tout noir, il y a toujours des bonnes idées partout. Le clivage gauche-droite systématique m’agace un peu. Bref, j’ai de nouveau perdu aux Régionales de 2004 et 2010, et entre temps j’avais fait l’impasse sur les municipales de 2008 car je ne croyais pas au projet.

[Exclu web] Parallèle(s) : Comment avez-vous rencontré Serge Babary ?

Christine Beuzelin : J’ai rejoint assez tôt l’association Evolutours où il m’a invité. Je m’occupais de la communication, j’ai fait le logo. Un jour d’août 2013, Serge Babary est venu me voir et m’a proposé de faire partie de l’aventure municipale à ses côtés. J’ai réfléchi pendant deux jours et j’ai dit oui.

Parallèle(s) : Vous voilà donc adjointe à la Culture et à la Communication en mars 2014. Le rapprochement de la culture et de la communication date de 1997 côté ministériel. Ce «mariage» vous paraît-il compatible et pertinent ?

Christine Beuzelin : Ces deux services marchaient déjà ensemble avant mon arrivée, mais là il va y avoir des liens plus forts puisqu’avant il n’y avait pas d’adjoint à la communication. Il faut être clair : la culture ne peut pas exister sans la communication et il me paraît bien d’avoir plus qu’un simple droit de regard sur la manière avec laquelle le service communication relaie l’information culturelle d’une ville de cette taille.

[Exclu web] Parallèle(s) : Est-ce que vous êtes consciente que du fait que vous veniez de la communication et non de la culture, certaines personnes vont peut-être se montrer frileuses et vous attendre au tournant quant à votre capacité à mettre en place une politique culturelle à Tours ?

Christine Beuzelin : Je pense que de toute manière on nous attendait au tournant dès le départ. Déjà parce que pour certaines personnes dès le départ, la culture, à droite, ce n’est pas pensable. Donc même si j’arrivais du monde de la culture cela aurait été pareil. Peut-être même pire parce qu’on se serait dit que j’avais des idées préconçues, alors que là je n’en ai pas. Jusqu’à présent, j’ai reçu une centaine d’associations culturelles pour faire un état des lieux général et j’ai eu un très bon accueil. Je pense que beaucoup avaient vraiment besoin d’être écoutées et que mon parcours et ma couleur politique n’avaient que peu d’importance.

[Exclu web] Parallèle(s) : Vous n’avez ressenti ni défiance, ni méfiance ?

Christine Beuzelin : Pour l’instant, non. Evidemment lorsque des décisions auront été prises, il y aura des déçus, c’est inévitable. Il y a des choix à faire, c’est comme ça. On l’a bien vu avec la municipalité précédente.

Parallèle(s) : Justement, comme vous ne venez pas du monde culturel, d’une discipline en particulier, quelles sont vos préférences dans ce domaine ?

Christine Beuzelin : J’aime beaucoup et depuis de nombreuses années l’opéra et le cinéma. Je suis d’ailleurs abonnée à l’Opéra de Tours et aux Studio, quasiment depuis mon arrivée à Tours. Je lis aussi beaucoup. J’ai récemment découvert qu’il y avait un centre chorégraphique à Tours. Y a-t-il un problème de communication de ce côté-là ? Peut-être. J’y suis allée ces derniers mois et j’ai pris goût à la danse. J’ai aussi découvert l’univers du Petit Faucheux.

Parallèle(s) : Et côté arts plastiques, vous êtes plutôt art contemporain, art moderne ou préférez-vous des périodes plus anciennes ?

Christine Beuzelin : J’ai vu énormément d’expositions à Paris où j’ai vécu et travaillé pendant longtemps. J’ai une nette préférence pour l’art moderne, la peinture.

[Exclu web] Parallèle(s) : Comment on peut concilier ses attirances personnelles d’un côté et la nécessité d’éclectisme imposée par votre nouvelle fonction ?

Christine Beuzelin : C’est simple, c’est le plaisir de la découverte. Je suis très ouverte, c’est le côté passionnant de la culture, je vais apprendre. Je ne peux pas aimer tout bien sûr, mais je vais me mettre à aller au théâtre plus souvent, par exemple. Ces personnes que j’ai rencontrées m’ont donné envie d’aller explorer mois après mois tout ce qui se fait ici.

[Exclu web] Parallèle(s) : Parmi vos découvertes depuis que vous êtes à ce poste, qu’est-ce qui vous a marquée ?

Christine Beuzelin : Le travail des associations des Octrois, Eternal Network et Mode d’Emploi. D’ailleurs il y a une bonne nouvelle de ce côté-là c’est que cette dernière va récupérer le 4e octroi qui est de nouveau disponible depuis le départ de Daniel Buren. Le travail des artistes soutenus par ces associations m’a parfois surprise ; je ne dirais pas que je n’aime pas, mais cela a bousculé ma vision de l’art et je pense qu’il est important que cela existe.

[Exclu web] Parallèle(s) : Votre «famille» politique est traditionnellement assez proche du point du vue du Medef sur les intermittents du spectacle. Quelle est votre position personnelle et individuelle sur ce dossier, sachant que vous aimez l’opéra et le cinéma, deux disciplines qui ont un besoin vital des intermittents ?

Christine Beuzelin : Je n’aime pas l’expression de «famille politique», je n’ai pas l’impression de faire partie d’une famille, je n’aime pas ce clivage. Mais bon c’est comme ça, c’est très français je pense, il faut vivre avec. Par exemple, le maire du Mans n’est pas de mon «bord» pour employer un autre terme et il a géré les intermittents de manière beaucoup plus brutale que nous. J’ai eu un baptême du feu si je puis dire avec le festival Rayons Frais. Je crois pouvoir dire que les artistes ont été bien reçus à la mairie. Il y a eu très peu de spectacles annulés. Je crois que dans ce dossier ce qui est essentiel c’est de maintenir le dialogue en permanence. Il faudrait peut-être tout remettre à plat une bonne fois car cette polémique est récurrente, régulièrement enterrée et déterrée, ce qui n’est bon pour personne. Mais je pense que les annulations de spectacles ne sont pas une solution, c’est trop dangereux financièrement pour les structures et les festivals.

Parallèle(s) : Vous avez hérité de quelques dossiers empoisonnés en arrivant à la mairie. Par exemple, L’Imprimerie et son projet de «devenir comme un lieu berlinois» qui avait fait rire beaucoup de monde à Tours, qu’en est-il aujourd’hui ?

Christine Beuzelin : Je crois que c’est un projet « de campagne» qui est sorti quelques jours avant le programme de la liste Germain, je me demande même si Gilles Bouillon était vraiment au courant de sa «nomination» à la tête du projet… J’ai été visiter le site Mame, l’Ecole des Beaux-Arts va arriver, ça c’était acté. En faire un centre axé autour des arts graphiques me paraît toujours être une excellente idée. Le projet est toujours dans les tuyaux, mais comme c’est un projet agglo, il doit y avoir beaucoup de partenaires impliqués, donc ça va prendre un certain temps. Dans l’idéal, il faudrait une commission «politique culturelle» à l’agglo, pour compléter le travail de la commission «équipements sportifs et culturels».

Parallèle(s) : Une partie importante de la population tourangelle ignore la programmation du CCC ou estime qu’elle est beaucoup trop élitiste. Le projet du Centre Olivier Debré est de plus grande ampleur, il se veut plus proche du public et du grand public, comment cette «ouverture» va-t-elle être possible avec le même directeur ?

Christine Beuzelin : Alain Julien-Laferrière va bien évidemment proposer un programme pour le lancement. L’une des idées phares du projet est d’abord de présenter de manière permanente des œuvres d’Olivier Debré, dont une partie derrière des vitrines qui pourront se voir de l’extérieur, donc gratuitement. Côté expositions temporaires, il y aura différents niveaux selon les budgets. Pour le choix des artistes, c’est une autre histoire, nous n’en sommes pas encore là.

Parallèle(s) : Le musée sera géré en régie municipale ou par l’équipe du CCC ?

Christine Beuzelin : La municipalité sera très impliquée dans le fonctionnement de ce nouveau lieu, notamment sur le plan budgétaire.

Parallèle(s) : Au-delà du CCC, un certain nombre de Tourangeaux considèrent que la programmation de lieux et d’événements culturels publics tels que Rayons Frais ou Le Temps Machine sont trop confidentiels et pointus. Cela va-t-il changer ?

Christine Beuzelin : Oui. Les cartes vont être redistribuées, des choses vont changer dans les mois et les années qui viennent. Serge Babary et moi sommes d’accord sur ce point, il faut rééquilibrer les choses pour satisfaire plus de monde dans l’offre culturelle local, côté spectateurs comme côté structures et artistes.

Parallèle(s) : Ohé du Bateau, autre dossier complexe dont vous avez «hérité». Vous avez beaucoup dialogué avec le collectif pendant la campagne. Et depuis ?

Christine Beuzelin : On les a de nouveau reçus en juin. Les clés des lieux leur ont été confiés pour avancer sur les devis d’artisans. Nous leur avons demandé de mettre le projet à jour avec de nouveaux éléments chiffrés et ils nous ont demandé de faire aussi un point par rapport à la Semivit, propriétaire des lieux, pour connaître leur position actuelle. Bref : le dossier est ouvert et avance.

Parallèle(s) : Un autre sujet épineux, le 37e Parallèle qui va accueillir une petite partie seulement des artistes et compagnies du Projet 244 qui va fermer fin décembre 2014. Qu’allez-vous «faire» des autres ?

Christine Beuzelin : C’est un dossier surtout géré par Françoise Amiot. A priori, toutes les associations qui étaient là au départ sont relogées, donc ce problème concerne surtout des artistes et associations qui sont arrivées par la suite.

Parallèle(s) : Plus globalement, cette polémique du P244 met en lumière un manque important d’ateliers d’artistes à Tours…

Christine Beuzelin : C’est vrai. Il y a un gros déficit de lieux à Tours. Mais c’est aussi une question d’équilibre. Il y a des pans de la culture locale qui, pendant de nombreuses années, ont été mis de côté et d’autres qui ont très clairement été favorisés, qui ont obtenu «leur» lieu. Cela va changer.

Parallèle(s) : Qu’en est-il du dossier de l’implantation du cinéma de Tours Nord ?

Christine Beuzelin : Là aussi nous maintenons le dialogue avec tous les acteurs, de Davoine à Ciné Off / Les Studio. Le projet n’est pas acté définitivement, même s’il est bien avancé. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut absolument un cinéma à Tours Nord, dans tous les cas, et que le projet doit économiquement être très bien ficelé.

[Exclu web] Parallèle(s) : On va connaître vos orientations concrètes en fin d’année ?

Christine Beuzelin : Automatiquement au moment du budget, vous aurez une première idée de nos choix, mais on ne définit pas une politique culturelle uniquement à partir du montant des subventions, de l’aspect financier des choses.

Parallèle(s) : Une première nouveauté de «l’ère Babary» ?

Christine Beuzelin : Je peux déjà vous annoncer qu’il y aura un festival littéraire en mars 2015, dont Daniel Pennac sera le parrain, qui va s’appeler «A (h)auteur de mots». De nombreuses structures seront impliquées, à commencer par le réseau des bibliothèques, les Studio, la Boîte à Livres et le Livre Passerelle entre autres, il y aura plein de lieux. Ce sera un événement important, qui me paraît très séduisant.

Propos recueillis par Laurent Geneix, à l’Hôtel de Ville de Tours, le 27 août 2014.
Photo © Laurent Geneix 2014

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One comment on "Rencontre avec Christine Beuzelin"

  1. Bonjour Christine, beau parcours de vie. Bravo! Je t’embrasse
    ytexsier@cnpa.fr

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