Coluche et Brassens n’en finissent pas d’être vivants au travers de deux documents et d’un CD… Bohringer se dévoile, Daeninckx célèbre de jolie manière les 80 ans du Front Populaire… Dans cette nouvelle série de chroniques vous découvrirez également le catalogue d’expo sur Van Gogh, photographies insolites, récits de voyages hilarants, Une BD déjantée et même des recettes de cuisine fraîcheur ! Bonnes lectures à tous !
Une bande de copains, tous férus de sport, filles ou garçons faisant naître la mixité bien avant l’heure dans un esprit de camaraderie et de fraternité. On est en 1936, un vent de liberté souffle sur la France avec les premiers congés payés et la semaine de 40 heures… Un vrai bouleversement ! Nos générations actuelles qui ont toujours vécu sur cet héritage ont du mal à imaginer un monde sans ces « privilèges » acquis de longue lutte … France Demay est ouvrier. Comme ses potes, il pratique activement le sport. De plus, il est photographe, et comme les clichés de ce livre nous le prouvent, non dénué de talent…A partir de ces photographies, mais aussi de journaux intimes et de lettres, Didier Daeninckx nous déroule cette époque phare par la voix de Ginette Tiercelin, aujourd’hui paisible retraitée au Pré Saint Gervais, qui s’épanche sur ses souvenirs au parfum de bonheur avec une gouaille à la Arletty et l’ esprit bien affûté. De Belleville au Pré Saint Gervais, en passant par les JO de Barcelone en pleine guerre d’Espagne, Ginette raconte … Le rassemblement monstre au mur des Fédérés, Prévert et la troupe d’Octobre, les auberges de jeunesse crées par Léo Lagrange, la vitalité de ces clubs sportifs parisiens avec la création de la FSGT (fédération sportive et gymnique du travail). Elle raconte et on écoute émus cette voix qui nous transmet cette mémoire collective. Il fallait bien le talent de Didier Daeninckx pour nous faire revivre cette époque où respect et dignité n’étaient pas de vains mots. Chapeau bas !
Un parfum de Bonheur de Didier Daeninckx et France Demay, Gallimard, 2016 / 25€
Chantepleures, c’est le nom que l’on donnait aux arrosoirs au Moyen-âge. Lorsqu’on les remplit, ils chantent, quand on les vide, ils pleurent… Joli, non ? Dominique de Rivaz a réalisé un reportage photo sur cet objet du quotidien, dans tous ses états : qu’ils soient en zinc ou en plastique multicolore, de formes parfois extravagantes , rouillés ou usés, ses photos les mettent en scène, et, aussi bizarre que cela puisse paraître, le résultat est des plus émouvant : Poétiques, rigolos, abandonnés, en couple, attachés avec un antivol, sur le bord d’une fenêtre, dans les herbes folles d’un jardin, posés sagement près d’une fontaine ou encore alignés en rangs d’oignons dans le silence d’un cimetière, ils nous racontent une histoire… En leur donnant une personnalité quasi humaine, en établissant des parallèles entre leur sort et le nôtre, elle leur apporte une dimension poétique inédite…Vous ne verrez jamais plus un chantepleure du même œil !
Le petit monde des Chantepleures de Dominique de Rivaz, Noir sur Blanc, 2016 / 25€
Jusqu’au 11 septembre prochain, 31 tableaux de Vincent Van Gogh, issus des musées d’Amsterdam et d’Otterlo seront exposés à Arles, en interaction avec certaines œuvres de l’artiste contemporain Glenn Brown. Le catalogue que je vous présente aujourd’hui a été réalisé par le commissaire de cette exposition, spécialiste de Van Gogh réputé dans le monde entier, une référence s’il en est ! Titré « Van Gogh en Provence : la tradition modernisée », ce catalogue met clairement en lumière l’évolution du travail de Van Gogh durant les deux années qu’il a passées en Provence. Avant 1887, son travail était largement inspiré par ses maîtres classiques tels que Rembrandt, Delacroix ou Millet. Les tons étaient sombres, la couleur n’était pas encore apparue dans son œuvre. On voit nettement en feuilletant ce catalogue cette évolution, ce glissement vers une modernité que l’on peut qualifier d’avant-gardiste. Dans une lettre à son frère Théo, Vincent a écrit sa conviction qu’il dégagerait sa personnalité dans la lumière et les couleurs du sud. Il y découvre les ombres, les couleurs, une lumière qui donnent à ses tableaux une dimension telle qu’ils paraissent presque vivants, mobiles… Portraits, paysages, natures mortes, thèmes de prédilection de Vincent deviennent alors totalement différents. Il suffit de comparer son « autoportrait à la pipe » daté de 1886 à son « autoportrait au chapeau de feutre gris « daté de 1887 pour s’en convaincre… La modernité a pris à cette date le pas sur la tradition ! Cet ouvrage regorge de croquis, statuettes, tableaux réalisés par cet immense artiste, commenté par un passionné qui rend ce catalogue précieux pour les amoureux de l’homme à l’oreille coupée … Superbe !
Van Gogh en Provence : la tradition modernisée de Sjraar Van Heugten, Actes Sud, 2016 / 30€
Richard Bohringer a une grande et belle gueule et il est réputé autant pour ses coups de cœur que pour ses emportements. C’est aussi et surtout pour ces raisons que l’on aime (ou déteste) le bonhomme ! Parce qu’il est droit, honnête, profondément humain et excessif dans ses amours, ses amitiés ou ses rancœurs. Dans « Quinze rounds » il nous dévoile sa vie, ses choix, ses errances, autant de combats qu’il a menés avec une sacrée dose de talent et de courage. Avec un style bien à lui, nerveux et sous tension parsemé d’explosions de lyrisme et de poésie, il nous dévoile une personnalité attachante et fragile… Cette autobiographie respire l’honnêteté à chaque mot, il ne s’épargne pas, ne triche pas, ce monsieur écrit comme il vit, au grand jour et à cœur ouvert. Il se bat depuis quelques années contre la maladie… Espérons que ce combat, ce quinzième round ne le mettra pas K.O. et qu’il aura la force de le remporter…Il en a gagné d’aussi sévères dans le passé… Tien bon, Richard, on t’aime !
Quinze rounds de Richard Bohringer, Flammarion, 2016 / 17€
Pour les inconditionnels de Brassens, ce livre regorge de pépites pour remonter le temps et comprendre le processus artistique de ce poète Ô combien toujours vivant. Préfacé par le texte écrit par Gabriel Garcia Marquez lors du décès de notre célèbre sétois, ce livre compile tous les écrits de Brassens entre 1938 et 1949, déposés à la SACEM à partir de 1942. Certaines de ces chansons ont conservé leur musique avec d’autres textes, d’autres sont restées inédites. Elles ont été écrites à Sète, chez sa tante à Paris pendant la guerre, chez Jeanne, ou encore lorsqu’il était en détention, en service STO en Allemagne. On y découvre les premiers balbutiements d’un homme de lettres qui oscillait entre plusieurs vocations : chanteur, auteur ou journaliste. Pour notre plus grand bonheur, il a fait le meilleur des choix ! Six de ses chansons ont été arrangées et reprises par Yves Uzureau que l’on peut découvrir dans un CD fourni avec ce document émouvant et instructif.
Georges Brassens premières chansons (1942-1949), Le Cherche-Midi, 2016 / 17€
Brassens n’en finit pas de créer des émules… Repris avec plus ou moins de bonheur par des grands noms de la chanson française, de multiples hommages lui ont déjà été rendus avec des orchestrations de toutes sortes. Jérôme Arnould, lui, a fait le choix de l’épure, reprenant des textes de Brassens en amoureux des mots et en passionné du bonhomme (il a d’ailleurs écrit une thèse sur le sujet « Brassens et la camarde ». Muni de sa guitare et de sa voix et aidé de trois autres compères au chant, violon, contrebasse et clarinette, cet album , plus qu’un énième hommage, donne une autre dimension à l’éternel Brassens, avec mélancolie et respect. Pour tous les amoureux de la belle chanson française, celle qui, intemporelle, ne craint pas le temps qui passe, porté par de jeunes talents enthousiastes… Je crois que le père Brassens apprécierait ! Le CD est en téléchargement ou à acheter directement sur leur site que je vous conseille de visiter… Vous y trouverez également leurs dates de concerts, car ils sont en tournée pour plusieurs mois.
Malo chante Brassens, LASSO7, 2016 / 15€
C’est l’histoire d’un mec aux mille facettes … généreux et roublard, tendre et provocateur, homme de défis, Coluche a marqué son époque. De son enfance modeste à son adolescence où il a quelque peu joué les loubards, en passant par ses premiers rôles au café théâtre, ses premiers sketches et jusqu’à sa célébrité, cet ouvrage fait le portrait de cet homme complexe adoré par les gens du peuple et craint par les puissants qu’il ne ménageait pas. Ce « putain de mec » a tout fait et presque tout avec talent : one-man show délirants, chanteur, acteur, réalisateur, animateur de radio et de télé. Il s’est même présenté aux élections présidentielles de 1981 pour « leur foutre au cul » et a bien failli réussir ! Ce qui reste de lui, trente ans après sa mort, c’est sa plus belle réussite, la création des restaus du cœur, même s’il aurait préféré que cette institution ne soit que provisoire… Grâce à lui, des millions de gens dans la précarité sont nourris quelques mois dans l’année et, sous sa pression une loi (loi Coluche) a été votée… Coluche, c’était tout ça à la fois… Homme d’excès aux frasques hollywoodiennes (son mariage avec Le Luron, son appartement de la rue Gazan où la fête semblait perpétuelle), son tempérament lui a coûté sa vie de couple et une descente aux enfers qui a bien failli le démolir entre coke et héroïne … C’est pourtant sur une petite route qu’il a trouvé la mort, couché sous un « putain de camion » alors qu’il chevauchait sa moto, tranquillement à 60 km/heure, lui qui avait été sacré champion du monde au kilomètre départ lancé à plus de 250 kms heure…Un homme, un destin hors du commun nous est présenté dan s ce magnifique ouvrage enrichi de photos et d’anecdotes, un homme qui nous manque furieusement pour agiter le bocal et pour « foutre au cul » des politiques de tous bords…
Coluche putain de mec ! de Jean-Pierre Bouyxou et Marc Brincourt, Le Chêne, 2016 / 24,90€
Tristan Savin a sillonné la planète de fond en comble et, s’il a vu des paysages somptueux, des mers turquoise et des autochtones accueillants, il a également mis ses pataugas (ou ses tongs) dans des endroits particulièrement hostiles. Dans « Les trous du cul du monde », il nous relate ses mésaventures dans des endroits paumés, dangereux et inhospitaliers où il a eu le malheur de séjourner. Ses récits, parfois loufoques, d’autres fois carrément effrayants m’ont confortée, moi la pantouflarde, à ne jamais me hasarder loin des sentiers battus, en tout cas, jamais en sa compagnie, tant il attire tel un aimant les emmerdes directement sur sa tête ! Bestioles, guérilleros, intempéries de tous poils, trafiquants, il en a vécu des vertes et des pas mûres à tel point que c’est miraculeux qu’il soit toujours en vie… Avant de partir en vacances, je vous conseille de lire ce bouquin afin d’être sûrs de ne pas vous retrouver dans un de ces trous du cul du monde ! Dans mon hamac ou au fond de mon lit, en sécurité, j’ai bien rigolé !
Les trous du cul du monde de Tristan Savin, Arthaud, 2016 / 15€
Libraire, Jen Campbell a parfois la visite de drôles de clients qui lui posent des questions plus que saugrenues … Elle a eu l’idée de faire un recueil de ces « perles » où la bêtise ou le culot vous laissent sans voix ! Drôles, bizarres, franchement sans-gêne, les propos tenus dans ce livre sont assez incroyables mais véridiques ! Les libraires (et les bibliothécaires) ne font pas un métier, facile ! Allez, celle que je trouve la plus jolie : « Je n’aime vraiment pas ma liseuse. J’aime les vrais livres. Ils me rassurent comme une couverture douillette. » J’aurai pas dit mieux .
Propos cocasses et insolites entendus en librairie de Jen Campbell, Baker Street, 2016 / 14€
Dans cet étrange immeuble, les locataires sont tous plus barrés les uns que les autres…Ils ont pour nom Roger Nimo, Laura Chapon, monsieur Wolf, Georges Crochet et Pierre Pan… Y séjournent également une belle jeune femme interrogeant son miroir pour avoir la confirmation qu’elle est la plus belle, un collectionneur de jouets, monsieur Albert Brinzingue et son frère Léon, des mineurs de 21 ans et leur cochon apprivoisé…ça vous dit quelque chose ? Seulement la belle jeune femme est ouvrière, s’est fait broyer la main dans une machine, devient alcoolique et se prostitue…Léon se retrouve coincé dans la cheminée un 24 novembre, cet étourdi s’étant gouré d’un mois pour la distribution annuelle de cadeaux… Il est tiré de ce mauvais pas par un bourreau dépressif grimpé sur le toit pour mettre fin à sa morne existence ! Quand la petite Laura Chapon, toute vêtue de rouge, disparaît, la police intervient et soupçonne monsieur Wolf de l’avoir kidnappée… Dan s le même temps, un autre voisin, Roger Nimo, qui se prend pour un indien est retrouvé assassiné…Bandini et Camou (Père et fils) s’en donnent à cœur joie dans ce méli-mélo de contes déjanté à la sauce vitaminée!!! Au cours de cette enquête, vous y croiserez aussi Jeso menacé de crucifixion, la fée clochette (qui se fera buter) et Robin des Bois faisant régner la justice aidé par frère Karl Marx ! Un délire total et jubilatoire dans le texte, des dessins d’une force évocatrice rare, un bonheur de la première à la dernière bulle !!!
Tout conte fée de Bandini et Camou, Casterman, 2016 / 20€
Ce livre de recettes géantissime (40×30 !) vous propose 52 recettes végétariennes originales dans leur conception et simples à réaliser. Pour chaque saison, des menus sont déclinés par fruits ou légumes de saison, et ça c’est bien et même très bien ! Un livre de cuisine assez classique, me direz-vous ! Que nenni ! Non seulement les recettes mettent l’eau à la bouche mais en plus, les superbes illustrations à l’aquarelle de Katie Eberts en font autant un livre d’art que de cuisine ! J’ai craqué sur certaines recettes comme le beurre citronné gingembre et miel, les figues farcies ou encore la tartine houmous et légumes, pour ne citer qu’elles… Un livre à exposer au regard pour le plaisir des yeux avant de faire éclater les saveurs sur votre palais !
Recettes à l’affiche de Lauren Stein et Katie Eberts, Larousse, 2016 / 19,95€