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Krons

Lus et approuvés – N°3

Ma dernière sélection de romans où plane un vent de révolte, de larmes et de sourires… La vie, quoi !

 

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2016. C’est la crise. Si elle paralyse les plus pauvres dont le nombre ne cesse de s’accroître, elle réussit plutôt bien aux nantis qui continuent à s’empiffrer, sans états d’âme…Le peuple semble résigné, boudant les urnes qui ne proposent que des candidats, qu’ils soient de droite ou de gauche, menant les mêmes politiques inégalitaires. Reste la révolution crainte et espérée tout à la fois, pour que ça change, enfin ! Mais comment la mener au XXIème siècle ? Quand Antoine intègre le groupe Ventôse, sous le nom de Saint-Just, Il est déterminé à aller jusqu’au bout, de frapper fort afin de créer une onde de choc pour réveiller les consciences. Avec ses complices, Marat et Robespierre, ils kidnappent et exécutent le président de la république …Au lieu de la prise de conscience espérée, leur geste est unanimement condamné par la France entière, leur action politique assimilée à un acte terroriste… Antoine écope de vingt ans de prison, vingt ans sans voir grandir sa fille, Rosa. 2037. Antoine est libéré. Il a eu tout le temps de réfléchir pendant ces années d’incarcération : il s’est trompé. La violence n’est pas la solution. Une fois dehors, il constate, sans surprise, que la société s’est encore dégradée : chômage galopant, loyers exorbitants, zones de séjour temporaires concentrationnaires où sont parqués et exploités les migrants, big brother partout, rigidité et absurdités administratives…Le cauchemar annoncé est bien là … Internet, avec beaucoup de précautions, reste le dernier espace de liberté : les réseaux permettant aux citoyens de mettre en place des initiatives proposant des alternatives et des moyens d’action en évitant toute violence gratuite. Cette « résistance » qui se présente sous différentes formes, prend de l’ampleur au point de déstabiliser le pouvoir en place. La colère gronde, les voix se font entendre, un peu partout dans le pays…. La société du futur imaginée par Denis Lachaud est des plus plausibles et le monde qu’il décrit ressemble furieusement à celui où nous vivons aujourd’hui. Loin de tenir un discours pessimiste, l’auteur sème des graines, des pistes, réfléchit aux moyens que l’on pourrait mettre en action pour changer cette société moribonde. Un roman passionnant qu’on a du mal à poser (il m’a valu quelques insomnies). L’écriture de Denis Lachaud porte un souffle et une énergie positive incroyables.et donne envie de croire à un monde meilleur. Un miracle d’intelligence, de justesse et d’humanité. A lire impérativement.

Ah! Ça ira … de Denis Lachaud, Actes Sud, 2015 / 21,80€

 

 

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Les bombes, la terreur, la faim, le froid… Cette lugubre litanie est le quotidien des gens survivant dans un pays en guerre. Quoi de plus humain qu’essayer de s’en sortir et de sauver les siens de cette spirale infernale ? Partir pour fuir la mort et la peur n’est pas simple, pourtant … Arriver dans un pays où l’on ne parle pas la langue et où les gens sont plus ou moins hostiles et prêts à vous accueillir, subir les humiliations, être déraciné, coupé parfois de sa famille, cette nouvelle vie est loin d’être confortable … Et s’il y avait la guerre en France, si nous étions confrontés à cette horreur, que ferions-nous ? A la manière de Franck Pavloff qui, en son temps avec « Matin brun » avait signé un bref mais édifiant réquisitoire contre le fascisme, Jane Teller, sur le même principe, signe avec « Guerre » un roman court et percutant sur le sort des réfugiés. Destiné aux adolescents, ce livre fort au thème anxiogène devrait être lu par tous et étudié dans les écoles. Nécessaire.

Guerre, et si ça nous arrivait ? de Janne Teller, Les Grandes Personnes, 2015 / 5,50€

 

 

amour super 8

 

Chefdeville fut un photographe talentueux et renommé, avant de sombrer dans l’alcool qui le mène vers des chemins tortueux car, atteint du syndrome de Korsakoff, sa vie et sa mémoire sont désormais en lambeaux …Lorsqu’il découvre dans sa poche la photo d’une fille où est écrit au verso le nom d’un bar à hôtesses désormais désaffecté, la vie de Chef prend une tournure inattendue…Entrant par effraction dans ce bar, il y découvre les négatifs de photos exceptionnelles d’un dénommé Bismuth ( !)  d’une telle qualité que l’idée lui vient de se les approprier, lui qui est au creux de la vague depuis trop longtemps … Sergueï Dounovetz (Chefdeville) nous immerge dans le monde de la photographie et du cinéma avec une gouaille et une verve incomparables. Personnages savoureux et décalés, gangster esthète, joli brin de fille, toubib cinéphile, les satellites bienveillants qui entourent Chef vont l’aider à se retrouver et à panser ses traumatismes. Un roman bien ficelé, truculent et désabusé, une réussite du genre !

L’amour en super 8 de Chefdeville, Le Dilettante, 2016 / 17,50€

 

 

grosse colère

 

Dieu règne sur l’univers et ses 714 espèces humaines d’une main de fer. Il est plus craint que respecté et agit plutôt comme un despote acariâtre. Le jour où il apprend que des humains de la planète Terre (la planète 607) ont cloné une brebis écossaise, Dieu voit rouge et décide d’éradiquer toute vie sur cette fichue planète d’apprentis sorciers qui se permettent d’user du droit divin à lui seul réservé : donner la vie. Les anciens terriens, outrés par cette décision arbitraire, vont tout faire pour sauver leur planète et leurs descendants … Construit comme un scénario, « La grosse colère » contient une multitude de personnages, réincarnés à multiples reprises (comme Napoléon Nixon !) représentés par une personnalité permettant au lecteur de mettre un visage sur chacun d’entre eux. Un casting de rêve où l’on croise Marlon Brando ou Woody Allen en passant par Elvis Presley ou Iggy Pop. Après « La femme à 1000 ° » (que j’avais adoré …) et « Le grand ménage du tueur à gages », ce dernier roman d’Helgason écrit en 2003 semble avoir été écrit sous substances illicites ! Entre science-fiction et comédie décalée … Étrange !

La grosse colère d’Hallgrimur Helgason, Presses de la Cité, 2015 / 20,50€

 

 

Sirius-JCrown

 

La famille Liliencron vivait jusque là paisible dans une jolie maison à Berlin : le père, éminent spécialiste du plancton, chercheur un peu rêveur, son épouse modèle et leurs deux enfants adolescents. Et puis, il y a Lévi, leur chien, surdoué canin semblant tout comprendre et capable de faire des tours étonnants. Quand les nazis prennent le pouvoir, leur vie devient un enfer… plus de boulot, plus d’études, Lévi est rebaptisé Sirius, son premier nom étant devenu trop compromettant…Les Liliencron se retrouvent alors contraints à l’exil pour sauver leur peau, et émigrent pour les États-Unis. Changement de vie radical sous le soleil de la Californie, et nouveau job pour monsieur Liliencron qui devient chauffeur pour un acteur des studios Warner. Sirius qui accompagne son maître est un jour remarqué par monsieur Warner en personne et se retrouve, grâce à son intelligence, sous les feux de la rampe : il deviendra la coqueluche de l’Amérique ! La vie de Lévi, devenu Sirius, nom de scène Hercule, devient un véritable tourbillon jusqu’à ce qu’il se retrouve, par un facteur de circonstances, à son point de départ, à Berlin sous les bombes et devienne rien moins que le compagnon attitré …d’Hitler !!! Un petit roman sans prétention, de pure détente où le chien tient la vedette !

Sirius le chien qui fit trembler le IIIème Reich de Jonathan Crown, Presses de la Cité, 2016 / 19€

 

 

douleur costume plumes

 

Une jeune femme meurt brutalement, laissant au désespoir son mari et leurs deux petits garçons. Difficile de reprendre goût à la vie après un tel drame … Surgit alors un corbeau qui, avec humour et irrévérence, va peu à peu aider cette famille en détresse à sortir la tête de l’eau… Parabole du deuil, il irrite tout en amusant (la politesse du désespoir…) et apporte une réalité tangible aux sentiments ressentis lors de ces terribles moments. Max Porter signe là un roman inclassable et poétique, une vraie découverte.

La douleur porte un costume de plumes de Max Porter, Seuil, 2016 / 14,50€

 

 

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