Quelques bons romans à savourer au coin du feu ! Un choix très éclectique où vous trouverez forcément votre bonheur !
Otto et Ada formaient un couple fusionnel depuis des décennies, lorsqu’ Ada meurt brutalement… L’univers d’Otto, sans elle, s’écroule, et le vieux monsieur déjà sauvage par nature, se replie carrément sur lui-même … Autour de lui gravite un voisinage des plus pittoresques : un facteur chanteur qui distribue le courrier au petit bonheur la chance, un pharmacien consciencieux qui teste tous les effets indésirables des médicaments, une sourdingue, une anthropologue, des chiens particulièrement insupportables, une repasseuse ne sachant pas repasser, un japonais dont la mémoire flanche , bref, tout un petit monde pas très reposant ! Un mystère plane autour de cette petite communauté pas si tranquille … Vanessa Barbara signe avec ses « Nuits de laitue » (Patience, vous comprendrez vite la signification de ce titre énigmatique !) un roman tonique et carrément drôle saupoudré de tendresse avec une pincée de suspense. Mitonné aux petits oignons ! Régalez-vous !!!
Les nuits de laitue de Vanessa Barbara, Zulma, 2015/ 17,50€
Années 50. Une cité ouvrière, perchée sur une colline, surplombe la ville. Au cœur de cette cité, le « Bel-Air », bistrot où se côtoient les habitués du petit matin, les premiers ballons de blanc, les sempiternels joueurs de cartes et la bande de gosses du quartier, sous la houlette des patrons, les Lecreux. Leur fils, Gérard, est le meilleur ami de Franck dont le père a déserté le foyer quand il n’avait que six ans. Ces deux là sont comme des frères, du moins jusqu’à l’adolescence, où leurs opinions et leur vision de la vie va les éloigner : Gérard ne rêve que de s’engager dans l’armée pour combattre en Algérie, tandis que Franck ne rêve quant à lui que d’y échapper… A la mort de son père, Gérard se retrouve à la tête du Bel-Air, tandis que Franck vivote de petits boulots. Le jour où Franck tombera amoureux de Cathy, une fille de « La ville », sa vie va basculer… Roman social, sur fond de guerre d’Algérie et de racisme ordinaire, mais aussi histoires d’amitié et d’amour, le « Bel-Air » de Lionel Salaün nous plonge dans un bain de nostalgie, celui de l’enfance et de l’adolescence, à l’époque des premiers juke-boxes, des balades en mobylette et des Gauloises bleues. Il se termine de nos jours, par la destruction de la cité… Fin d’une époque… Émouvant…
Bel-Air de Lionel Salaün, Liana Levi, 2015 / 9,50€
Olivier Busnel est un sale type : cynique, fêtard, irrespectueux et imbu de lui-même, il jouit d’une belle situation professionnelle et se comporte en tyran avec ses subordonnés. Il est marié à Clara qui supporte plutôt mal que bien les frasques de son époux qui use et abuse de toutes les substances à sa portée pour s’enivrer. Un jour, Clara disparaît, évaporée dans la nature, sans laisser le moindre message… Ce roman est tout sauf ordinaire ! Par sa construction, tout d’abord : les chapitres ne respectent aucune chronologie, de 1986 à 2012, comme si l’esprit confus d’Olivier se perdait dans les dates et le temps. Cette volonté de l’auteur donne un rythme et une atmosphère qui devient de plus en plus oppressante au fil du récit, allant crescendo jusqu’au dénouement final des plus glaçant… Inattendue, hypnotique, l’écriture d’Hugo Ehrhard vous hantera bien après le point final. Un roman marquant.
Le Dieu du tourment d’Hugo Ehrhard, Le Dilettante, 2016 / 18€
Victor Boudreaux, ancien détective privé, goûte une retraite bien méritée après avoir été victime d’un AVC. Il mène une vie tranquille en philosophe de « bons temps roulés » à la Nouvelle-Orléans, auprès de sa femme Jeanne, férue de cinéma en noir et blanc. Par passion, Victor entraîne une jeune équipe de lanceurs de marteau qu’il veut mener en compétition, mais l’argent manque … Un contrat providentiel qui résoudrait ses problèmes de trésorerie lui est alors proposé par les parents friqués d’un jeune chanteur altermondialiste, Flaco Moreno (sorte de Manu Chao mais version ripou !) qui vient de se suicider dans des circonstances plus que suspectes … Victor accompagné de son vieux complice Earl va donc tenter de faire toute la lumière sur cette affaire… Embareck nous balade de la Louisiane au Vietnam pour atterrir à Saproville sur mer (En France ?) dans ce polar sombre à l’humour mordant et au langage fleuri, quatrième opus des aventures de Victor Boudreaux. Dépaysant !
Personne ne court plus vite qu’une balle de Michel Embareck, L’Archipel, 2015 / 18,95€
Eric, VRP coincé entre ses crédits et la soif du toujours plus exigé par sa compagnie est contraint à prendre des décisions qui le révulse. Hitari, gardien de zoo à Fukushima, se sachant condamné, mord la vie à pleines dents. Jérôme plante son boulot de requin de la finance pour chercher de l’or en Guyane. Haïm, employé à la City renverse du haut de sa grosse bagnole un randonneur et déclenche une attaque de zombies…Charles, cadre sup au chômage bute le père Noël qu’il a pris pour un cambrioleur…Tous les personnages de Renaud Cerqueux ont un point commun : ils gagnent leur vie pour la perdre. En cinq nouvelles, cet auteur issu du monde de la BD (scénariste) dresse un portrait acide et déjanté de notre société de consommation avec son cortège de souffrances et de mal de vivre. Avec justesse, flegme et une élégance très rock’n’roll (Pas étonnant qu’il joue dans un groupe de pop rock !). Excellent !
Un peu plus bas vers la terre de Renaud Cerqueux, Le Dilettante, 2016 /17€
Paul est flic. Ou du moins, il l’était puisqu’il vient tout juste de prendre sa retraite après avoir résolu sa dernière affaire : retrouver saine et sauve Naja, jeune fille séquestrée depuis des mois dans une gare désaffectée. Affaire résolue ? Pas si sûr … Dans cette affaire, rien n’est vraiment blanc ou noir, comme dans la vraie vie, on nage plutôt dans les nuances de gris. Les personnages de Pipin sont plutôt du genre atypique : Un (ex)flic mélomane joueur de blues, marié à Julie, joueuse de biniou (oui, oui de biniou !), une séquestrée roulée comme une sirène dont le chant a enflammé le cœur de Fabien, fils de Paul et Julie. Les dialogues sont croustillants à souhait, dorés à l’humour fin, les situations loufoques ou improbables sont à la limite border line. Alors, si vous aimez les histoires bien conventionnelles, passez votre chemin, car Ramon Pipin ne mange pas de ce pain là !!! Le fondateur du mythique groupe « odeurs » signe là un premier roman à l’esprit très punk, que n’aurait jamais pu écrire Yves Duteil, ça c’est sûr !
Une jeune fille comme il faut de Ramon Pipin, Éditions Carpentier, 2015/ 18,90€
S’il y a bien une chose à ne pas zapper, c’est bien la chronique de François Morel sur France Inter … Malheureusement, on n’est pas toujours disponible pour l’écouter tranquillement, vu l’heure de programmation de l’émission. Et bien, si tout comme moi, vous pestez à chaque fois que vous la ratez, séance de rattrapage avec ce recueil de ses chroniques de 2013/2015 ! Morel a décidément tous les talents : acteur, chanteur, humoriste, et une plume à faire baver bien des chroniqueurs. Car quelle écriture !!! Morel joue avec les mots, il leur donne une saveur qu’on garde en bouche comme un grand cru … Selon les sujets d’actualité, il nous offre des papiers empreints de colère, d’humour ou de tendresse avec cette élégance empreinte de poésie qui est la « patte » de Morel. Celle d’un Desproges quand il se faisait tendre ou d’un Devos lunaire. Et je pèse mes mots …
Je rigolerais qu’il pleuve de François Morel, Denoël, 2015/ 18€