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Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 67

MISSION : IMPOSSIBLE – ROGUE NATION

de Christopher McQuarrie (Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Simon Pegg)

 

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Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, un des intérêts à suivre les sagas récentes cinématographiques – tirées de romans pour ados ou de séries télé – c’est qu’à chaque épisode, on a généralement un metteur en scène différent qui essaie, tant bien que mal, d’y insuffler son tempérament.
Exercice toujours compliqué lorsque l’on se confronte aux exécutifs des gros studios, mais qui peut s’avérer payant.
Prenez « TWILIGHT ».
Les chapitres « RÉVÉLATION – 1ère et 2e Partie » sont l’oeuvre de Bill Condon, metteur en scène passionnant (le fabuleux « NI DIEUX, NI DÉMONS ») qui a limité les dégâts en offrant les opus les plus « regardables » (en même temps, cela n’était pas bien difficile).
Pareil pour « HARRY POTTER ».
Le troisième segment, « LE PRISONNIER D’AZKABAN », dû à Alfonso Cuarón, qui ajoute ce côté sombre qu’il affectionne, est le plus intéressant de la série, et de loin.
La franchise « MISSION : IMPOSSIBLE », elle, est sans doute l’exemple le plus parlant.
En effet, plus qu’ailleurs, chaque film porte la marque de fabrique de l’homme qui est derrière la caméra, et ce pour un résultat divers et crescendo.
Successivement, nous avons eu :
Brian De Palma, en mode mineur, ennuyant.
John Woo, en mode « branleur », se parodiant lui-même de façon assumée.
JJ Abrams, honnête, mais qui fera bien mieux par la suite avec ces formidables « STAR TREK ».
Brad Bird, l’auteur des « INDESTRUCTIBLES », signe le meilleur opus, en traitant le 4ème volet – « PROTOCOLE FANTÔME » – comme s’il s’agissait d’une production PIXAR.
Maintenant, c’est au tour de Christopher McQuarrie (« JACK REACHER ») de s’atteler à la tâche.
A t’il surpassé son prédécesseur ?
L’équipe d’Ethan Hunt est dissoute par le gouvernement américain. Cela tombe mal car le Syndicat, une organisation internationale terroriste, composée d’ex-agents déclarés morts en service, se prépare à renverser l’ordre mondial. Hunt et ses collègues, devenus fugitifs, pourchassés par la CIA, vont tenter de l’arrêter…
Les séquences d’action sont, ici, élevées au rang de modèle de construction.
Deux, particulièrement, se détachent : une poursuite en moto mais surtout un morceau de bravoure d’un quart d’heure à l’opéra à Vienne, jeu de cache-cache d’une osmose parfaite entre la musique et la progression du suspense.
Hélas, il en est tout autre du scénario car celui-ci n’exploite pas tout son potentiel de départ et s’avère un peu léger, trop basique, en opposant seulement un grand méchant à nos héros, alors que l’on pouvait légitimement s’attendre à voir les némésis de l’ensemble de la bande de MISSION : IMPOSSIBLE.
De plus, les enjeux sont traités un peu au dessus de la jambe comme si McQuarrie ne s’était finalement concentré qu’aux moments qui « déménagent ».
Rebecca Ferguson (l’étonnamment sympathique « HERCULES » de Brett Ratner) campe un crédible alter-ego féminin à Tom Cruise.
Simon Pegg assure comme d’habitude dans le rôle du gaffeur de service.
Mais les autres protagonistes ont leur temps de présence sacrifié et ce choix participe également au déséquilibre général de l’ensemble.
Ce « ROGUE NATION » se révèle donc plaisant mais déçoit.
Désormais, il ne reste plus qu’à espérer que le prochain « James Bond », « SPECTRE » (le 11 nov), très attendu au tournant, soit le nouveau mètre-étalon du blockbuster d’espionnage.
Prions ensemble.

 

 

FLORIDE

de Philippe Le Guay (Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Laurent Lucas)

 

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Claude Lherminier a 80 ans et était autrefois chef d’une entreprise, maintenant gérée par Carole, sa fille ainée. Atteint de plus en plus souvent de moments de confusion et de troubles de la mémoire, il décide de s’envoler pour les États-Unis où réside la soeur cadette de Carole, dont il n’a plus de signes depuis des lustres…
En adaptant la pièce de théâtre à succès, LE PÈRE, de Florian Zeller, Philippe Le Guay (« LES FEMMES DU 6E ÉTAGE ») s’attaque à un problème fréquent chez les personnes âgées, l’Alzheimer s’accompagnant de la perte des souvenirs et comment leur entourage y fait face.
Si Jean Rochefort est épatant, Sandrine Kiberlain correcte (on l’a connue plus inspirée) et Laurent Lucas, appréciable, cette comédie dramatique fonctionne par de rares intermittences.
La faute en incombe à des longueurs et des sous-développements mal traitées (la femme de ménage roumaine, le vieil ami félon) qui nuisent à la cadence du métrage.
« FLORIDE » est tel un jus d’orange trop dilué et pas assez concentré : cela manque de goût.

 

 

LA NIÑA DE FUEGO

de Carlos Vermut (Bárbara Lennie, Luis Bermejo, José Sacristán)

 

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L’Espagne est, avec l’Angleterre et la Scandinavie, l’un des pourvoyeurs actuels en Europe d’un septième art populaire de qualité, souvent innovant et stimulant.
Pour preuve, le tout récent « LA ISLA MÍNIMA ».
Soyez content, en voici un autre exemple, éclatant.
Luis, prof, a une enfant férue de manga mais atteinte d’une maladie incurable. Pour lui faire plaisir, il lui commande en secret un costume d’une de ses idoles de papier, coûtant une fortune. Rencontrant un soir, Bárbara, une jolie femme mariée assez aisée et instable psychologiquement, Luis passe la nuit avec elle. Le lendemain, il décide de la faire chanter, menaçant de tout dévoiler à son époux à qui elle doit sa situation. En échange de son silence, elle devra lui fournir une importante somme d’argent…
Le bref résumé de l’intrigue que je viens d’effectuer n’est que la partie immergée de l’iceberg qui vous attend.
En adoptant un mode de récit mêlant habilement flashback et présent, tout en conservant une unité de temps, Carlos Vermut, pour sa seconde réalisation – après l’inédit chez nous et pourtant surprenant « DIAMOND FLASH » – signe un thriller envoûtant et noir d’une puissance psychologique folle, soutenu par de solides comédiens.
Sous couvert de calme apparent, patiemment, lentement, le spectateur est invité à se confronter au turpitude des protagonistes, tous oscillant entre raison et émotion.
D’une froideur et d’un rythme évoquant parfois l’univers d’Aki Kaurismäki, parsemé de péripéties sadiennes, « LA NIÑA DE FUEGO » montre une société ibérique en perte de repères.
Immanquable !

 

 

DRAGON INN (version restaurée, inédit)

de King Hu (Chun Shih, Feng Hsu, Ying Bai)

 

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L’été est habituellement propice aux ressorties de productions emblématiques, classiques ou autres, ayant bénéficié d’une remasterisation ayant pour but de leur redonner une jeunesse appropriée et de pouvoir les (re)découvrir dans des conditions optimales.
C’est pleinement le cas avec « DRAGON INN » du génial King Hu.
Pendant longtemps, King Hu fut un secret bien gardé.
Il fallut le concours de personnalités importantes telles que Pierre Rissient, figure illustre dans le milieu, pour que l’Occident, émerveillé, découvre ce maître asiatique absolu, dans les « seventies », et pour ceux de ma génération, les années 80-90 avec la VHS dans des copies parfois tronquées.
CARLOTTA, à qui les cinéphiles doivent beaucoup, ont effectué un travail remarquable concernant ce « wu xia pian » (film de sabre chinois) de 1967.
Régnant à la cour impériale, un puissant eunuque, fourbe et méchant (comme souvent chez Hu) a fait exécuté le ministre de la Défense, accusé à tort de sédition. La progéniture de la victime est condamnée à l’exil hors du pays. Or, notre vil castré a prévu de l’exterminer en chemin. Pour ce faire, il envoie les meilleurs hommes de sa police secrète lui tendre une embuscade dans une auberge, passage obligé de son trajet. Mais, bientôt, des étrangers s’installent également dans l’établissement mais dans l’optique, eux, de la sauver. Un jeu de dupes commence alors en attendant l’arrivée de la descendance du défunt ministre….
Fortement influencé par l’Opéra de Pékin, Hu livre un chef-d’oeuvre visuel et sensitif où rien n’est laissé au hasard, du choix des couleurs des costumes à la position de chaque personnage dans le cadre et son évolution en passant par les dialogues à quiproquo.
On se régale de ce huis-clos manipulateur, jouissif où la violence contenue durant une heure et demie, éclate dans les vingt dernières minutes avec un ultime combat éblouissant à tous les niveaux et qui marqua durablement, entre autres, Tsui Hark qui n’a de cesse de payer son tribut à King Hu et a même remaké deux fois « DRAGON INN ».
Déjà en salles depuis juillet, mais peu programmé au vu de sa durée – 3 heures – « A TOUCH OF ZEN » (1971) est également une pierre angulaire du genre, souvent imité (« TIGRES ET DRAGONS » de Ang Lee, « LE SECRET DES POIGNARDS VOLANTS » de Zhang Yimou et même Tarantino qui n’y a rien compris) mais jamais égalé ni dépassé.

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Dans une bourgade reculée, sous la dynastie Ming, un lettré et portraitiste, la trentaine entamée, toujours célibataire, vit avec sa mère. Leur voisine, installée depuis peu dans une maison délabrée, réputée hantée, n’est autre qu’une fugitive pourchassé par les sbires du potentat local ayant assassiné son père, un notable, sous le motif fallacieux de trahison. Elle a l’intention de se venger…
Problèmes de tournage, brouille avec les financiers, remontage derrière son dos, Hu a mis quatre ans, dans la douleur, a accouché de cet autre joyau définitif.
A la fois surnaturel, drôle, profond, emprunt de philosophie, bondissant – trampolines et artistes de cirque font merveille – « A TOUCH OF ZEN » est un régal, donnant un rôle inoubliable à Feng Hsu, l’égérie du cinéaste, et annonce l’épure qui deviendra la norme pour l’ami King sur ces derniers projets dont le sublime « RAINING IN THE MOUNTAIN ».
Ne passez pas à côté.

 

J’aurai pu, avant mon bout de congé, vous parler également du pas terrible « ‘UNE FAMILLE À LOUER » (le 19 août) de Jean-Pierre Améris, pourtant charmant artisan qui, là, foire son hommage à Lubitsch et Howard Hawks et ce, malgré le tandem belge Benoit Poelvoorde/Virginie Efira, ou encore du brésilien « VENTOS DE AGOSTO » de Gabriel Mascaro, assez soporifique, et d’autres.
Mais comme je suis gentil (en dépit des apparences), quelques mots tout de même sur LA sortie du mercredi 26 août.

 

DHEEPAN

de Jacques Audiard (Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Vincent Rottiers)

 

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Comme les frères Dardennes, Jacques Audiard fait parti des abonnés de Cannes.
Chacun de ses projets provoquent une attente, à tort ou à raison, exacerbée depuis le succès critique comme publique d' »UN PROPHÈTE » en 2009.
Reparti bredouille de la Croisette avec l’insupportable « DE ROUILLE ET D’OS » en 2013, il revient avec « DHEEPAN », sélectionné en compétition officielle, en mai.
Dheepan est un soldat de l’armée d’indépendance du Sri-Lanka. Fuyant la guerre de son pays, il se fait accompagné par deux réfugiées et les fait passer pour sa femme et sa fille. Leur destination : la France. Ayant obtenu le statut de réfugiés, ils vont tenter de passer pour une famille dans une banlieue régie par le trafic de drogue…
S’il y a bien une qualité indéniable à reconnaitre à l’oeuvre d’Audiard, c’est son sens plastique.
La photo est toujours extrêmement soignée comme ici.
Il en est tout autre, malheureusement, du canevas – vaguement inspiré de Montesquieu – que l’on jugera trop maladroit, contenant des aspects condamnables (les jeunes de cité sont tous des raclures).
Ne sachant que trop rarement sur quel pied danser, hésitant dans la direction à prendre et dans le traitement à donner à ce drame, l’auteur de « DE BATTRE MON COEUR S’EST ARRÊTÉ » n’arrive pas vraiment à nous captiver quant au destin de ces personnages immigrés.
Noyant son film d’amorces de scènes qui auraient pu se révéler pertinentes si plus tenues et certaines un peu moins clichés, on ressent, à mesure que le temps passe, une déception certaine à contempler un cinéaste se fourvoyer ainsi et ce n’est pas un final un peu plus immersif qui change la donne générale.
Le risque d’employer des acteurs principaux non-professionnels (outre Vincent Rottiers dans un rôle bradé) était un pari et celui-ci est à moitié remporté (retenons surtout Kalieaswari Srinivasan, campant la femme de Dheepan).
Je pronostiquai, à l’époque, éventuellement la palme de la mise en scène, ne voyant pas trop ce que à quoi d’autre le père Jacques pouvait légitimement prétendre.
Il rafla la Palme (politique) d’Or.
Les voies d’un jury sont parfois impénétrables…

 

Sur ce, on se retrouve le 2 septembre pour une rentrée pas piquée des hannetons.

 

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