GONE GIRL 6
Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 29

GONE GIRL

de David Fincher (Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris)

 

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Environ 2 300 personnes disparaissent, quotidiennement, aux Etats-Unis, volontairement ou non.
Chiffre effarant.
C’est une des composantes du nouveau David Fincher, « GONE GIRL », en salle depuis aujourd’hui.
Nick Dunne (Affleck), ancien écrivain new-yorkais, s’est installé avec sa femme, Amy (Pike), dans une petite ville du Missouri. Il tient un bar avec sa soeur. Le jour du cinquième anniversaire de leur mariage, il rentre chez lui et trouve la table de son salon renversée, brisée en mille morceaux. Cherchant son épouse dans la maison et ne la trouvant pas, il appelle alors la police. Conclusion de l’enquête : Amy s’est volatilisée. Devant l’apathie de Nick face aux évènements, certains commencent à nourrir des soupçons à son égard…
Fincher est des meilleurs cinéastes traitant du Mal sous toutes ses formes, étudiant son origine et ses effets chez l’être humain.
Généralement plus inspiré quand il aborde le thriller policier, confère son épatante version de « MILLENIUM, LES HOMMES QUI N’AIMAIENT PAS LES FEMMES » ou évidemment « SEVEN », il s’avère, en revanche, laborieux lorsqu’il embrasse des sujets plus «sociologiques» (l’anecdotique « PANIC ROOM » ou la baudruche « THE SOCIAL NETWORK ») voire fantastique (« L’ÉTRANGE HISTOIRE DE BENJAMIN BUTTON »).
Là, comme pour son précédent travail, il part d’un polar, LES APPARENCES, écrit, cette fois, par Gillian Flynn, fraîche romancière de l’Oncle Sam, auteur déjà de trois best-sellers et qui a participé activement au scénario, au point même de changer la fin de son histoire.
Après une mise en place un peu trop linéaire et somme toutes banale de l’intrigue, le responsable de « FIGHT CLUB », peu à peu, commence à entraîner le spectateur dans un jeu de massacre d’un couple modèle, frappant de noirceur dans l’ultime demi-heure, où, en résumé, tout n’est que façade, rancoeurs et déceptions
Sans trop en dévoiler, nous avons également droit à une charge contre les enfants-stars, fleurissant depuis Shirley Temple, via le biais du personnage joué par Rosamund Pike, la révélation ici, après des tonnes de rôles sans grand relief.
Ben Affleck est plutôt bon dans un emploi pas si facile que ça à incarner, tout en nuances, et, excepté le brillant réalisateur que l’on sait, prouve son talent lorsqu’il est bien dirigé.
La critique du pouvoir des médias, reléguée au second plan, est quelconque (Fincher s’en fiche assurément) et ne sert que de ressort narratif nécessaire au déroulement du récit.
Outre quelques situations relevant purement de l’artifice, « GONE GIRL » n’en demeure pas moins une oeuvre passionnante à analyser et un portrait de femme complexe.
Mais quelle femme ne l’est pas ?

 

 

MOMMY

de Xavier Dolan (Anne Dorval, Antoine-Oliver Pilon, Suzanne Clément)

 

Mommy

Depuis ses débuts, Xavier Dolan fait office de prodige et on lui pardonne beaucoup.
Sauf le rédacteur de ces lignes.
Hormis des débuts séduisants avec « J’AI TUÉ MA MERE », le p’tit Québécois s’est ensuite livré à une avalanche visuelle d’assez mauvais goût, très référencée, cependant vaine, avec d’une part « LES AMOURS IMAGINAIRES », hommage pompeux à la Nouvelle-Vague, puis « LAURENCE ANYWAYS », sorte de pub affreuse et interminable qu’aurait signée un Jean-Paul Goulde sous stéroïdes.
Récemment, nous avons eu droit à « TOM À LA FERME », un thriller intéressant mais vaniteux.
Maintenant, « MOMMY », la soit-disante «sensation» de Cannes 2014, présentée en Compétition Officielle.
Ca tombe bien, on y était.
Diane « Die » Despres (Anne Dorval) hérite de la garde de son fils Steve (Pilon), un ado souffrant de troubles de déficit de l’attention avec hyperactivité. La rencontre avec Kyla (Suzanne Clément), la voisine, va améliorer leur quotidien…
Acteurs en faisant des tonnes, surtout le juvénile Antoine-Olivier Pilon, mal dirigé, mélange de Macaulay Culkin (« MAMAN, J’AI RATÉ L’AVION ») et de Benoît Magimel du pauvre, insupportable tête à claques, scénario aux grosses ficelles afin de provoquer à tout prix l’empathie, maladroit, braillard inutilement, oui, nous en avons des sensations mais pas celles escomptées.
Sauvons, néanmoins, de cet attrape-nigaud, une plaisante idée de mise en scène (un changement de cadre) et une jolie séquence de karaoké, mais pas, non plus, de quoi fouetter un chat vu que cela mis bout à bout doit avoisiner les 5mn (sur 2h20).
En lui attribuant le Grand Prix du Jury ex-aqueo avec « ADIEU AU LANGAGE » de Godard, et non pas la Palme d’Or que tous les confrères lui pronostiquaient déjà, le jury est pourtant tombé dans le panneau.
La minorité vient de s’exprimer.
Ugh !

 

 

LE GARCON ET LE MONDE

de Alê Abreu (avec les voix de Marco Aurélio Campos, Vinicius Garcia, Lu Horta)

 

LE GARCON ET LE MONDE

Un enfant, souffrant de l’absence de son père, décide de parcourir le monde à sa recherche. Ainsi commence un long périple, ponctué d’animaux-machines et de gens bizarres…
Combinant plusieurs techniques (crayons de couleur, feutres, peintures, stylos à bille) et mixant animation traditionnelle et incrustation de collage de journaux, le Brésilien Alê Abreu et son équipe ont planché pendant cinq années pour aboutir à une splendeur.
Visuellement original et inventif, au style graphique volontairement puéril, « LE GARCON ET LE MONDE », lauréat du prix du Public à Annecy, développe, avec intelligence, une palette thématique allant de la découverte de soi à l’importance des rencontres dans la vie, en passant par la perte de l’innocence.
Dépaysement, universalité des propos et nostalgie au rendez-vous.
Dont acte.

 

 

Le DVD de la semaine : « LE GÉNIE DU MAL »

de Richard Fleischer / RIMINI EDITIONS

 

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Sans les faits divers, nombre de grands films n’auraient probablement jamais vu le jour : « L’AUBERGE ROUGE » de Christian-Jaque, « FARGO » des frères Coen, « HENRY, PORTRAIT D’UN SERIAL KILLER » de John McNaughton, « L’AFFAIRE DOMINICI » avec Gabin, « BULLY » de Larry Clark…
En 1924, Nathan Leopold et Richard Loeb, deux riches étudiants en droit de Chicago, âgés respectivement de 19 et 18 ans , sont arrêtés puis condamnés pour l’enlèvement et le meurtre d’un ado de 14 ans, Bobby Franks.
Cette affaire, qui défraya la chronique en son temps, ne pouvait que contaminer le septième art et le théâtre (les deux se nourrissaient alors mutuellement).
Le dramaturge britannique Patrick Hamilton s’en inspira pour une de ses pièces de théâtre, qui fera, par la suite, l’objet d’une adaptation sur grand écran. Ce sera « LA CORDE » d’Alfred Hitchcock.
Meyer Levin, un journaliste, écrivit, en 56, un roman sur ce drame qui connut aussi les honneurs d’Hollywood, dans la foulée, avec « LE GÉNIE DU MAL ».
Les éditions RIMINI viennent, justement, d’éditer ce dernier en DVD.
Judd et Arthur, universitaires, se livrent à divers actes répréhensibles par la loi comme le vol. Ils finissent par assassiner un jeune garçon, persuadés d’avoir accompli le crime parfait. Mais un détail va les confondre. Passibles alors de la peine de mort, ils seront défendus par un célèbre avocat…
Le titre original, « COMPULSION », colle mieux à la teneur du long métrage que le titre français, aguicheur, car selon la définition du dictionnaire, ce «besoin interne impérieux d’accomplir un acte que la conscience refuse» est, ici, parfaitement rendu.
D’abord par l’esthétique apportée.
Dans un noir et blanc splendide – immense William C.Mellor (soulignons la parfaite qualité de la copie proposée) – Richard Fleischer (je vous parlerai, une autre fois, de ce maître incontournable) sait varier les cadrages pour refléter l’état d’esprit des principaux protagonistes : souvent en biais, par exemple, lorsqu’il s’agit du duo maléfique, insistant sur leur déséquilibre mental et introduisant une probable homosexualité latente.
Ensuite par le jeu et la présence des comédiens masculins, récompensés par un prix commun d’interprétation lors du Festival de Cannes en 1959.
Dean Stockwell, pas encore le Al de la série CODE QUANTUM mais déjà « GARÇON AUX CHEVEUX VERTS » pour Losey, est fragile à souhait.
Son comparse, Bradford Dillman, issu de l’Actors Studio, s’avère terriblement inquiétant.
Orson Welles (galérant déjà à l’époque pour monter ses projets), en ténor du barreau, est impeccable et nous gratifie d’un long plaidoyer (spécialité US) assez mémorable.
Côté bonus, retenons surtout l’intervention de François Guérif, directeur de l’indispensable collection RIVAGES/NOIR, nous régalant d’anecdotes sur Meyer Levin, et un retour sur les évènements originels.
En vérité, vous ne pouvez ignorer plus longtemps cet ancêtre lointain de « FUNNY GAMES » et d’« ELEPHANT ».

 

LE GENIE DU MAL 1

 

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