HORNS 1
Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N° 28

HORNS

de Alexandre Aja (Daniel Radcliffe, Juno Temple, Max Minghella)

 

HORNS 3

A la grande question : Existe-t-il une bonne adaptation, sur grand écran, d’un livre de Stephen King ? La réponses est oui.
Chacun a la sienne.
Joe Hill, son fiston, pourrait marcher sur les traces de son père vu qu’il est également écrivain (lisez « THE CAPE », formidable comic-book qu’il a scénarisé).
Comme son illustre géniteur, il couche sur papier des histoires mêlant adolescence et fantastique.
Comme lui, le cinéma s’empare d’un de ses romans, son deuxième, pour ce « HORNS » signé Alexandre Aja, également fils de.
Ig Perrish (Daniel Radcliffe), DJ d’une station de radio d’une bourgade américaine, est accusée d’avoir assassiné sa fiancée Merrin (Juno Temple). Clamant son innocence, envers et contre tous, il sombre, désepéré, dans l’alcool. Un matin, en se réveillant, il note l’apparition de deux légères excroissance sur son front, des cornes, et se rend vite compte qu’il possède, désormais, le pouvoir de faire avouer aux gens qu’il croise, leurs pensées les plus secrètes…
Que ce soit avec « HAUTE TENSION », solide slasher à la française, son époustouflant remake de « LA COLLINE A DES YEUX » de Wes Craven ou son « PIRANHA 3D », réjouissant jeu de massacre gore de la jeunesse estudiantine d’outre-Atlantique, et malgré un autre remake, celui d’une production coréenne, « MIRRORS », assez raté, Aja porte haut, à l’étranger, le savoir-faire hexagonal en matière de série B horrifique.
Sa principale marque de fabrique : repousser les limites de chaque genre en les abordant d’une manière viscérale.
Ici, paradoxalement, c’est ce qui s’avère problématique, car notre Frenchie exilé veut à la fois faire un film romantique, un film d’horreur et une comédie.
Or, à force de courir plusieurs lièvres à la fois, il dilue notre intérêt en n’explorant pas jusqu’au bout les différentes pistes abordées.
Radcliffe, dans sa carrière post-« HARRY POTTER » semble affectionner l’épouvante, après une « DAME EN NOIR » pas terrible et avant un « FRANKENSTEIN » où il campera Igor, l’assistant du baron.
En dépit de louables efforts, son duo, avec Juno Temple, ne fonctionne pas, la faute à un manque d’empathie général pour l’ensemble des personnages.
Pourtant, la photo est soignée, les maquillages réussis et certains passages convaincants tels la plupart des flashbacks avec les protagonistes juvéniles, mais le manque d’homogénéité de l’ensemble finit par provoquer un ennui poli et une réelle frustration s’empare, alors, du spectateur, qui n’aura jamais le divertissement escompté.
Ambitieux mais inabouti.

 

 

THE TRIBE

de Myroslav Slaboshpytskiy (Grigoriy Fesenko, Yana Novikova, Rosa Bably)

 

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Tourner un premier long-métrage de 2H10 uniquement en langage des signes, sans sous-titres, sans voix-off et sans aucune musique, telle fût la gageure de l’ukrainien Mryloslav Slaboshpytskiy avec « THE TRIBE », présenté, en mai, à la Semaine de la Critique cannoise et récipendiaire du Grand Prix.
Sergey est sourd-muet. Atterrissant dans un internant spécialisé, il subit tout un parcours intiatique de la part d’une bande d’élèves qui fait la loi avec l’aide complice de certains professeurs. Entre trafic et prostitutions, le jeune arrivant va gravir les échelons et tomber amoureux d’une de ses camarades, Anna, qui vend son corps, afin de pouvoir quitter un jour cet endroit et changer de vie…
Avec une utilisation éblouissante de l’espace traduite par de longs plans-séquences quasi hypnotiques (une vingtaine), le dénommé Slaboshpytskiy surprend son monde avec un brio que pourraient lui envier nombre de cinéastes confirmés.
Bien plus politique que social, ce drame se déroule, certes, dans un institut pour personnes atteintes de surdité et de mutité, mais les problèmes évoqués, comme les atteintes à l’intégrité physique ou les viols, existent ailleurs, et sont, hélas, universels.
Soulignons l’ensemble épatant du casting composé de non-professionnels, tous sourds, dont le recrutement s’est effectué sur une année entière. S’exprimant uniquement avec leur corps et mains, une intensité se dégage, immédiatement, de chaque situation les opposant et décuplée par cette abscence presque totale de sons.
Seuls des objets qui bougent, des portes qui se ferment, un vomissement, se font entendre, mais uniquement par le spectateur, renforçant ainsi la puissance des actions (voir à cet effet un avortement au limite de l’insoutenable et le final, tétanisant).
Seul petit bémol : une ou deux scènes qui durent, pas nécessaires, où l’on sent que le réalisateur a voulu trop bien faire, et ce, au détriment de l’équilibre scénaristique.
Il n’empêche, « THE TRIBE » marque les débuts ultra-prometteurs d’un talent qui, on l’espère, confirmera par la suite.

PS : Nous venons d’apprendre l’interdiction aux moins de 16 ans dont vient de pâtir «THE TRIBE».
Décision totalement imbécile.
Pendant ce temps, le 20h de TF1 est toujours visible par tous…

 

 

LES ÂMES NOIRES

de Francesco Munzi (Marco Leonardi, Peppino Mazzotta, Fabrizio Ferracane)

 

LES AMES NOIRES - photo 1

Les oeuvres traitant de la Cosa Nostra et autres bandes organisées ont été légion en Italie depuis les années 50.
Récemment, le succès mérité, critique comme public, de « ROMANZO CRIMINALE » de Michele Placido et de « GOMORRA » de Matteo Garrone, ont amené une autre façon d’appréhender les choses via une approche plus documentaire et plus sombre.
« LES ÂMES NOIRES » de Francesco Munzi se situe dans cette droite lignée.
Luigi et Rocco sont traficants de drogues, affiliés à la ‘Ndrangheta, la branche calabraise de la mafia. Ayant fait fortune, ils se sont installés en ville tandis que leur frère ainé, Luciano, est resté à la campagne où il est berger comme son défunt père, tué par un groupe rival. Restant volontairement en dehors de l’univers du banditisme, il cultive les terres familiales. Son fils, Léo, suite à une fusillade, doit quitter le pays…
Dès les premières images, apparemment anodines – un groupe d’hommes discutant entre eux de livraison de stupéfiants – une tension latente nait et cette impression perdurera durant la majorité de ce thriller intimiste. Car oui, présentement, nous sommes plus dans une chronique familiale mâtinée d’éléments criminels que dans un polar démonstratif et bruyant. Le spectaculaire n’a point sa place
Munzi, dont ces précédents essais, déjà de qualité, sont, hélas, restés confidentiels fait un véritable travail d’entomologiste. Il a une façon unique de capter les états d’âmes sur les visages des êtres évoluant dans cette Comédie Humaine transalpine où tous sont rongés par leurs doutes, leurs peurs, leurs croyances et leur arrogance.
Chaque mort provoque, en nous, un sentiment de rage.
Formellement maîtrisé de bout en bout, nous assistons à la lente dérive d’un système partagé entre archaïsme, tradition et modernité, qui va crescendo jusqu’à l’apothéose finale, évitant toute grandiloquence, éminemment percutante.
Imaginez « LE PARRAIN » réalisé par Maurice Pialat et, encore, vous serez loin du compte.
L’immanquable de la semaine.

 

 

Le DVD de la semaine : « L’OISEAU BLEU »

de George Cukor / 20th CENTURY FOX

 

L'OISEAU BLEU JAQUETTE

Maurice Maeterlinck est belge, prix Nobel de littérature en 1911 et responsable, entre autres choses, de « L’OISEAU BLEU », une pièce de théâtre en six actes, aux thématiques abordant des sujets graves ou du moins pertinents.
Dès 1910, le cinéma l’adapte.
En 1918, Maurice Tourneur nous donne sa version, superbe, toute empreinte d’expressionnisme allemand, avec la météorique norvégienne Tulla Belle.
Mentionnons aussi celle, plus figée, de 1940, en couleur, de Walter Lang, avec Shirley Temple.
En 1976, le vétéran George Cukor livre une coproduction soviéto-américaine, qui vient d’être éditée en DVD par la 20th Century Fox, dans leur collection « HOLLYWOOD LEGENDS ».
Tyltyl et Mytyl sont deux enfant de bûcherons forts pauvres. Une nuit, ne trouvant pas le sommeil, il font la connaissance d’une fée leur demandant de partir à la recherche d’un volatile mythique, l’oiseau bleu, capable de guérir une fillette extrêmement malade. Pour ce faire, ils seront accompagnés, dans leur quête, par un chat, un chien, de l’eau, du feu, du lait, tous à visage et corps humain…
Cukor qui déclarait, volontiers, ne pas être un auteur, fait pourtant parti des « classiques ».
Malgré son renvoi, « AUTANT EN EMPORTE LE VENT » et « LE MAGICIEN D’OZ » lui doivent beaucoup. « INDISCRETIONS » avec Cary Grant, « LA FLAMME SACREE », « HANTISE », « MADAME PORTE LA CULOTTE » et « LES GIRLS » sont des sommets et, en portraitiste avisé de femmes, toutes les plus fameuses stars sont passées devant sa caméra.
Et là, il est servi, car entre Ava Gardner interprétant la Luxure, Jane Fonda dans le rôle de la Nuit et Elizabeth Taylor en fée blanche, on ne pouvait rêver mieux pour l’occasion.
Nous sommes en pleine Détente à l’époque, ce qui explique la distribution mélangeant les deux nations.
La petite Mytyl est jouée par Patsy Kensit alors, à l’orée de la carrière, tant de chanteuse (les « Eighth Wonder ») et d’actrice (« L’ARME FATALE 2 ») que l’on sait.
Tyltyl, lui, est incarné par Todd Lookinland qui, destin curieux, s’occupa, plus tard, des décors de « L’ETRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK » d’Henry Selick et de certains trucages sur « STAR WARS, EPISODE 1 : LA MENACE FANTÔME ».
Contrairement à ce que pense la majorité, confortée par un bide au box-office, cet « OISEAU BLEU » là est fort plaisant et caractéristique d’un temps où les effets spéciaux, bricolés mais follement inventifs, avaient du cachet. Les numéros dansés, exécutés par des membres de ballets prestigieux, et les chorégraphies, sont pleins de charme.
Le kitsch, ici, est un atout, et octroie, à cette curiosité, un capital sympathie non négligeable.
Montrez-le donc à vos chères têtes blondes et puisse la magie, s’en dégageant, opérer sur eux.

BLUE BIRD, THE (1976)

 

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