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Krons

Lus et approuvés – N°4

Coups de gueule acidulés, roman graphique somptueux, tranches de vie et lutte des classes, voici ma nouvelle sélection de romans !

 

 

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Quand Juliette débarque chez son père, le moins que l’on puisse dire est qu’elle se trouve au creux de la vague… Ses parents ont divorcé, il y a longtemps. Le père, plutôt du genre taiseux, a la mémoire qui flanche quelque peu. La mère, tout au contraire a une âme d’artiste, est complètement extravertie et collectionne les amants un peu bohèmes. La sœur de Juliette, Marylou, est mariée, a deux enfants et un amant. Autant Juliette est fragile et angoissée, autant Marylou dégage une telle force de caractère qu’elle semble indestructible…  Camille Jourdy, dans ce magnifique roman graphique, explore les non-dits d’une famille ordinaire avec humour et délicatesse et nous régale des menues choses qui font la vie. Les angoisses de Juliette, ses petits bonheurs et ses drames sont les nôtres et Camille Jourdy les dépeint avec une rare justesse. Les personnages qui gravitent autour de Juliette, tel Polux, l’amoureux transi, sont touchants et drôles. Tout sonne juste !!! Quant aux illustrations, colorées et naïves, elles sont carrément superbes… Un énorme coup de cœur !

Juliette : Les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy, Actes Sud, 2016 / 26€

 

 

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La couverture annonce la couleur comme une appétissante devanture : une énorme barbe à papa rose bonbon (dont le taux de sucre pourrait requinquer un village du Bengladesh pendant une semaine) et ce titre « Sympa » jaune citron dans une police joyeuse qui semble nous faire un clin d’œil. Mais le citron, c’est acide … tout comme l’humour d’Alain Schifres qui se lâche complètement et s’en donne à cœur joie en nous faisant part de tous ses agacements nombreux, divers et variés, dans une verve jubilatoire et communicative. Et j’applaudis des deux mains ! Car ce qui irrite notre auteur me gonfle un peu, beaucoup, à la folie et hélas, bien trop souvent ! A force de nous prendre pour des crétins des Alpes (mille excuses au bas et hauts Savoyards, c’est tombé sur eux !) en nous traitant comme un troupeau de moutons bêlants et apeurés, (Même si on l’a pas volé, hein !) à un moment donné, on s’agace ! Alors, sus à la gentillesse en carton-pâte, aux poncifs et autres idées reçues, à la coolitude, zénitude et autre branchitude ! Halte au matraquage médiatique et à l’enfumage généralisé ! Et merci à Alain Schifres d’avoir ouvert les vannes ! J’ai bien ri… jaune citron…

Sympa d’Alain Schifres, Le Dilettante, 2016 / 17€

 

 

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Tournée générale ! Régis Mailhot règle ses comptes à peu près avec tout le monde, en commençant bien évidemment par les politiques (parce qu’ils le valent bien !). Religion, sport, people, il tire à vue et il a l’œil, l’animal, car le moins qu’on puisse dire  c’est que ses scuds atteignent leur cible en beauté ! Tout ce petit monde mange sans distinction les plats épicés préparés avec délectation par ce trublion qui a fait les beaux jours du « fou du roi » sur France Inter. Ça pique, c’est vif, c’est drôle, Régis Mailhot manie la langue avec dextérité et intelligence, même s’il abuse parfois d’un soupçon de mauvaise foi (j’adore !) et qu’il surfe de temps à autre dans un mauvais goût des plus jouissif. Irrévérencieux et caustique, de A à Z !

Reprise des hostilités de Régis Mailhot, Albin Michel, 2016 / 15,90€

 

 

LA_BRIGADE_DU_RIRE

 

C’est dans le journal « Valeurs actuelles » que Pierre Ramut qui se targue d’être spécialiste en économie, crache ses convictions néolibérales avec un aplomb et une morgue particulièrement méprisante. Il prône à qui veut le lire ou l’entendre la nécessité d’adopter la semaine de 48 heures, le travail dominical et une baisse de 20 pour cent des salaires. Il est assez content de lui, Ramut, dans ses costumes sur mesure et sa vie de pacha, en dehors de toute perception des difficultés du commun des mortels ! Kol, depuis qu’il a été licencié et médiatisé dans sa lutte pour obtenir justice, n’a pas apprécié le papier pondu par Ramut à son sujet et celui de ses camarades luttant pour leur emploi. Depuis cette affaire, il est devenu persona non grata et n’a pu retrouver de travail… A l’occasion d’une soirée organisée par son ami Dylan, il retrouve tous ses potes unis par une amitié indéfectible depuis les bancs de l’école : l’enfant-loup garagiste et coureur de jupons qui semble avoir trouvé son équilibre avec Suzana, Hurel, directeur d’une petite industrie qui vit comme un fantôme depuis la mort de sa fille, Isaac, distributeur de films et Rousseau, prof d’économie qui semble le plus serein de la bande. Et arrive à la place de Richard sa compagne Victoria qui leur annonce le suicide de leur ami…Elle aussi a un compte à régler avec Ramut … Au cours de cette soirée, la bande qui va se baptiser « brigade du rire » décide de kidnapper Ramut. Pas pour une demande de rançon, non ! Ils vont séquestrer le col blanc dans un sous-sol, le coller devant une machine-outil et l’obliger à travailler selon les modalités qu’il préconise ! Et voilà notre donneur de leçons face à la réalité, travaillant pour trois francs six sous à se crever à l’ouvrage ! Ce roman de Mordillat, tout comme les précédents (dont le magnifique Xénia), traite intelligemment des problèmes sociaux et de la dureté de cette économie qui devient folle dans son inhumanité. Si Mordillat est un peu le chantre du roman social, il nous offre avec sa brigade du rire une vengeance jouissive et pacifiste dont on rêve tous ! Non ?

La brigade du rire de Gérard Mordillat, Albin Michel, 2015 / 22,50€

 

 

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Quand le quotidien vous oppresse, que vous subissez des tensions aussi bien dans votre boulot que dans le cercle familial, qui n’a pas, à un moment donné, eu envie de se tirer en glissant la clef sous la porte ? C’est le constat que font les quatre protagonistes de ce roman. Auguste, célibataire, la cinquantaine, se retrouve dévolu à s’occuper de ses parents âgés, puisque ses frères ont une famille et une vie, eux… Les deux ancêtres sont particulièrement insupportables, complètement réacs, et réclament comme un dû à leur fils de faire son devoir auprès d’eux …Ferdinand, lui, est marié mais bien mal accompagné. Sa femme, Martine craque sur une espèce de gros beauf, géant d’un super U, roulant en 4×4 et respirant la prospérité et la réussite sociale. Quant à sa fille (une adolescente dans toute sa splendeur), elle le méprise totalement. Ferdinand étouffe dans cette ambiance délétère et malsaine. Agnès, la quarantaine, elle aussi célibataire, mène une vie solitaire ponctuée d’aventures plus ou moins sentimentales toujours avec des hommes mariés. Ses frères la harcèlent au téléphone pour qu’elle se rende au chevet de sa mère mourante avec qui elle a toujours entretenu des rapports conflictuels. José, quant à lui, est un célibataire endurci qui passe sa vie devant la télévision, vivant la sienne par procuration. Il n’a pas d’amis, pas d’attaches et supporte à peine la présence de ses voisins. Ces quatre personnages qui se débattent avec leurs états d’âme, leur mal de vivre et leurs questionnements, Pascale Gautier les dépeint avec un humour qui allège ce sujet universel… Qu’ai-je fait de ma vie ? Suis-je à ma place ? Quand l’heure du bilan sonne, c’est toujours douloureux.  Un roman sensible et juste où beaucoup se reconnaitront…

La clef sous la porte de Pascale Gautier, Editions Joëlle Losfeld, 2015 / 16,50€

 

 

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Années 80, le Kosovo alors encore en paix. Emine est une jeune fille de la campagne, ses parents sont pauvres et elle est éduquée dans la plus pure tradition. Quand son père décide de la marier avec un homme issu d’un milieu assez aisé, Emine n’a pas le choix de refuser…Elle estime même avoir de la chance car il est plutôt bel homme, Bajram, il est instruit et semble généreux, la vie à ses côtés promet d’être belle. Pourtant, dès le jour de son mariage, il s’avèrera être un homme violent et autoritaire… Quand les tensions avec les Serbes vont devenir insupportables et mettre leur sécurité en danger, Emine, son mari et leurs enfants vont émigrer en Finlande. Leur vie, comme celle de tout réfugié, va devenir compliquée, ils ne se sentent pas bienvenus et subissent réflexions et attaques racistes. Quant au travail, il se fait rare, surtout pour ceux qui ne parlent pas le finnois… Leurs enfants vont grandir dans ce foyer sans chaleur, sous l’autorité d’un père tyrannique et aigri et d’une mère craintive et soumise à son mari. De nos jours, en Finlande. Bekim, le fils d’Emine et Bajram est étudiant. Comme ses frères et sœurs, il a quitté le foyer familial et vit dans un petit appartement avec un boa pour compagnon. Il fréquente bars et sites gays et assume tant bien que mal son homosexualité. Sa vie amoureuse est assez compliquée… Dans ce roman, les deux voix d’Emine et Bekim se font entendre à tour de rôle comme un écho… Leurs destins se répondent, s’entrecroisent, leurs peurs, leurs espoirs, leurs déceptions se déroulent. On voyage du Kosovo jusqu’en Finlande à travers ces personnages attachants et troublés, intranquilles. L’écriture de Pajtim Statovci coule, serpente avec une belle fluidité, dévoilant des personnalités complexes et torturées avec une belle aisance. Un livre et un auteur à découvrir !

Mon chat Yugoslavia de Pajtim Statovci, Denoël, 2016 / 21,90€

 

 

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