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Krons

Lus et approuvés N°7

Deux recueils de nouvelles à l’écriture subtile, un roman en hommage à Robert Walser du talentueux Arnaud Rykner, le dernier roman de Laurent Binet (Une pure merveille) et un roman délirant du délicieux Olivier Maulin…  Demandez le programme !

 

 

septième fonction du langage

 

Le 26 mars 1980, Roland Barthes meurt écrasé par une camionnette. Et si cette mort n’était pas accidentelle mais criminelle ? Et s’il a été assassiné, par qui et pourquoi ? Bayard, un flic bourru (et il faut bien le dire un peu inculte) se retrouve en charge de l’enquête qui l’amène dans le milieu des universitaires et intellectuels : le monde de Barthes, spécialiste en sémiologie. Quand on ne comprend pas un traître mot de ce que ces gens racontent, difficile d’y voir clair et de mener des interrogatoires ! Bayard s’adjoint donc (sans trop lui demander son avis) un coéquipier, prof d’université : Simon Herzog. Les deux hommes vont découvrir que Barthes détenait la septième fonction du langage, qui donnerait un pouvoir absolu à l’orateur qui la détiendrait… Les suspects sont nombreux, à commencer par Giscard, en fin de règne, et Mitterrand en pleine campagne pour les élections présidentielle de 1981… Mais les collègues de Barthes ne sont pas très clairs, eux non plus : Foucault, Derrida, Julie Kristeva, Philippe Sollers, BHL, Umberto Eco, Deleuze, bref, toute l’intelligentsia des années 80 se retrouvent dans le collimateur de nos deux limiers… . Laurent Binet (l’auteur du fabuleux HHhH) réalise avec ce roman aussi drôle qu’haletant un véritable tour de force ! Véritable jeu de massacre, Binet s’en donne à cœur joie dans la description de ses personnages, nous les dévoilant sous un jour peu flatteur. Sollers et BHL en particulier ne sont pas épargnés ! Drôle, vif, intelligent, ce roman se lit comme un thriller !!!  Brillantissime !

La septième fonction du langage de Laurent Binet, Grasset, 2015 / 22€

 

 

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Picot vient de se faire licencier pour le motif de s’être (soit disant lâchement…) enfermé dans les lieux d’aisance de la station d’autoroute où il bossait de nuit, quand, pour la deuxième fois de la semaine, il se faisait braquer par des hommes armés jusqu’aux dents… Sans le sou, il trouve refuge chez son pote Totor, dont la passion pour Bach est quelque peu éprouvante puisqu’il en écoute à longueur de journée, les yeux dans le vague, vautré dans son canapé… Picot prend donc les choses en mains et leur dégote pour tous les deux un job de vigile chez un marchand de camping-cars de luxe un peu flippé par la proximité d’un camp de roms près de son entreprise prospère et tentante pour des gens du voyage… Les deux losers vont donc adopter deux chiens à la SPA (un vigile sans chien étant inconcevable) : un berger allemand qui a largement atteint l’âge d’une retraite pépère et un malheureux boxer qui ne survivra que quelques heures, Totor l’électrocutant par accident avec son taser… Pris de court, il emprunte le chien de sa voisine… Un Yorkshire !!!  Et voilà nos deux féroces gardiens faisant leur ronde autour des Hymer hors de prix. Au bout de quelque temps, ils commencent à s’emmerder ferme… Et à picoler dru ! Ils s’installent dans un des engins (très confortable), s’endorment benoîtement et se réveillent à la frontière allemande… Les craintes du propriétaire des camping-cars s’avérant justifiées puisqu’une famille de roumains ont bel et bien piqué le véhicule… Sans se rendre compte que les deux vigiles peu vigilants dormaient à l’intérieur ! S’ensuivent des aventures rocambolesques où vous croiserez un nain grand d’Espagne, des adeptes de la survie en prévision du chaos à venir, des irréductibles gaulois alsaciens , des sabotages de projets aussi pharaoniques que destructeurs pour l’environnement et même une bataille à la sauce napoléonienne !!!  Olivier Maulin a le chic pour écrire des romans détonants ! J’avais adoré « Le bocage à la nage » (Chroniqué dans Parallèle(s) !)  « La fête est finie » est tout à fait dans la même veine. Les péripéties de ces deux anti-héros sont hilarantes ! Mais Maulin ne fait pas que dans le burlesque. Il dénonce aussi avec beaucoup de finesse et d’intelligence  les travers de notre société, le ras-le bol du monde politique, les projets débiles qui ruinent la nature et l’écosystème mais qui sont juteux pour ceux qui les mettent en place. Un roman aussi drôle que militant, un mélange explosif et… Jouissif !

La fête est finie d’Olivier Maulin, Denoël, 2016 / 18,90€

 

 

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Joseph, Tobias selon son humeur, était un écrivain renommé jusqu’à ce qu’il soit interné, par la volonté de sa sœur, Lisa. Depuis, ses journées passent, égales à elles-mêmes, consacrées à la fabrication de sacs en papier ou de cordes, d’écossage de petits pois ou de corvées diverses que les résidents exécutent à tour de rôle…Une vie en somme «où il n’y a rien à faire, juste être bien » …Lorsqu’il a l’autorisation de sortir hors les murs de l’asile, Joseph-Tobias se ressource au sein de la nature, des forêts, des oiseaux : Il y retrouve des sensations enfouies, oubliées… Joseph-Tobias est redevenu un enfant …Écrire ? Il ne veut plus, même si le directeur de l’hospice et un journaliste admirateur de son œuvre passée le pressent de reprendre sa plume… Pour écrire « Dans la neige », Arnaud Rykner s’est inspiré de la vie de Robert Walser. Interné en hôpital psychiatrique en 1933 à la demande de sa sœur, l’auteur des « enfants Tanner » y finira ses jours de manière tragique en 1956… Le roman de Rykner, construit comme un monologue intérieur au phrasé haché, chaotique, suggère de manière magistrale l’égarement de son personnage, sa solitude, mais aussi ses moments de joies simples… Une plongée en immersion dans les méandres des pensées d’un homme, détaché de son passé mais non de la vie … Hypnotique.

Dans la neige d’Arnaud Rykner, Le Rouergue, 2016 / 13,90€

 

 

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En seize nouvelles, Ognjen Spahic nous embarque dans un univers sombre et anxiogène, dérangeant par les sujets qu’il traite tels la solitude, la mort ou l’éternelle complexité des rapports humains. Frôlant parfois le fantastique, il est toutefois bien ancré dans le réel, et ses nouvelles se tournent obstinément vers la création littéraire et le pouvoir des mots … L’écriture de Spahic est tendue, riche et désabusée, elle va droit à l’essentiel et mord là où ça fait mal. Admirateur de grands noms de la littérature comme Carver, Mann ou encore Boulgakov, on ressent à la lecture de ce recueil que leur empreinte a laissé des traces profondes et bien ancrées chez ce jeune auteur qui sait faire sonner les mots à l’aune de la désespérance … Troublant …

La tête pleine de joies d’Ognjen Spahic, Gaïa, 2016 / 22€

 

 

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Sept nouvelles, sept femmes. Des petites touches d’émotion où la fragilité affleure, où la vie tient à un fil ténu au gré du destin de chacune d’entre elles…De nous ? Les femmes de Catherine Michoux sont nos sœurs, les mêmes doutes et les mêmes souffrances les assaillent… Au gré des rencontres, des rendez-vous ratés, des intuitions, elles frôlent la beauté mais aussi l’indicible … Catherine Michoux explore avec beaucoup de grâce et de sensibilité l’essence même de la vie. Son écriture fluide accompagne ces histoires frôlant parfois le surnaturel, touchant du doigt des émotions fugaces ou tenaces. Femme de théâtre, Catherine Michoux aime les mots, leur sonorité, elle leur apporte texture et profondeur, donnant corps et matière à ces femmes de papier. Un premier recueil de grande qualité.

La peau de l’ange de Catherine Michoux, Editions 11/13, 2016 / 12€

 

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