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Krons

Lectures du fond du hamac !

L’été s’achève si on en croit le temps pourri de ces derniers jours … Bientôt, la rentrée littéraire et son flot de nouveautés ! En attendant le grand déballage, quelques lectures savourées ces deux derniers mois, les doigts de pied en éventail, bien calée dans mon sempiternel hamac, complice de mes lectures estivales.

 

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Mathilde est relieuse. Elle travaille dans le petit atelier de son grand-père qui lui a transmis l’amour des livres et du travail bien fait. Elle mène une vie paisible, entourée de ses amis, c’est une petite souris, discrète et appréciée de tous. Le jour où Astride Malinger, relieuse de renom, lui demande de collaborer dans le plus grand secret à la réfection du premier opus de Shakespeare qu’elle a déniché par le plus grand des hasards en chinant dans un vide grenier, la vie de Mathilde bascule… Astride est le négatif de Mathilde. Froide, calculatrice, vénale. Elle tient avec ce manuscrit rare et précieux son chant du cygne qui lui apportera gloire et fortune. Mathilde, quant à elle, est subjuguée à l’idée de travailler sur un tel chef-d’œuvre et accepte contre une somme dérisoire. Une fois le travail effectué, Astride refuse de la payer pour son travail pourtant admirable. Mathilde, excédée, demande à être payée avec le vieux portefeuille rouge qui accompagnait l’opus de Shakespeare, qui, apparemment ne recèle aucun intérêt… Et pourtant …. Anne Delaflotte Mehdevi nous embarque dans un véritable roman d’aventures, construit en trois actes, écrit sous une tension palpable qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière page. La rivalité de ces deux femmes que tout oppose, hormis leur passion pour la beauté et la rareté de ces documents qui ont traversé le temps pour arriver jusque dans leurs mains, est tout simplement haletante. L’ombre du grand Shakespeare nous hante et nous séduit tout au long de ce magnifique roman, à ne pas rater, vraiment.

Le portefeuille rouge d’Anne Delaflotte Mehdevi, Gaïa, 2015 / 20€

 

 

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 Rompre ou ne pas rompre, telle est la question (Shakespeare, sors de ce corps !!!) de ce très court roman, ou plutôt pièce de théâtre de Daniel Glattauer. Trois personnages dans un endroit clos, pas d’interférences, notre attention reste fixée sur un couple en proie à une grave crise conjugale, face à un thérapeute peu ordinaire qui essaie de recoller les morceaux et sauver ce qui peut l’être …. Mission périlleuse, quasi impossible tant ces deux-là se détestent copieusement ! Le ton est mordant, acide, véritable guerre des Rose entre nos deux anciens amoureux qui s’en donnent à cœur joie dans les règlements de comptes et les coups bas. Excédé, le thérapeute s’absente quelques instants pour revenir complètement abattu auprès du couple sidéré du changement de ton qu’il opère … Les rôles s’inversent… Glattauer signe là un ovni littéraire, une comédie humaine en un acte où tout est dit avec une belle concision et un humour façon Woody Allen des plus séduisants. Une petite heure de lecture des plus jubilatoires !

L’art de ne pas rompre de Daniel Glattauer, Grasset, 2015 /10€

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La première des nouvelles de ce recueil, « l’homme lézard » décrit le calvaire d’un homme qui défenestre son fils (rassurez-vous, il s’en sort quasi indemne) après que ce dernier lui ait avoué son homosexualité, et se clôt par « le paradis des animaux » où, dix ans après, il essaie de se racheter aux yeux de ce fils rejeté en traversant les États-Unis pour se rendre à son chevet où il se meurt du sida (là, bien sûr, on est loin d’une happy end). Entre les deux, Poissant nous régale d’une écriture nerveuse et irréprochable, avec des nouvelles ayant pour seul point commun une tendresse sans faille doublée d’une lucidité bienveillante pour le genre humain qui n’en mérite pourtant pas tant. J’adore les nouvelles et le style de Carver et je ne pensais pas retrouver la même intensité chez un autre nouvelliste. Et bien, David James Poissant en a la carrure et le panache, tout en ayant un style et une patte qui lui est propre. Amateurs de nouvelles de qualité, précipitez-vous sur ce paradis des animaux, vous allez être scotchés !

Le paradis des animaux de David James Poissant, Albin Michel, 2015 / 25€

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Lahore, au Pakistan. Tout débute par la naissance de Maqil, survivant de son jumeau mort-né. S’ensuit une enfance dorée où il est le centre de toutes les attentions tant son charisme et sa personnalité le rendent attachant. Maqil grandit, devient adulte, se marie, devient père. Jusque là, rien d’extraordinaire… Mais Maqil ne trouve jamais sa place, sa vie est trop étriquée à son goût, et il s’invente d’autres vies, d’autres destins…Joueur compulsif, il gagne et perd des fortunes et traverse la planète, en changeant d’identité comme d’autres changent de chemise. A chaque fois, il laisse tout derrière lui et recommence à zéro. En véritable prodige de l’esquive, il écrit et réécrit sa vie en maître de son destin, quelles qu’en soient les conséquences pour son entourage. Roopa Farooki nous entraîne dans un tourbillon dans ce roman fleuve où son personnage agace autant qu’il séduit. On traverse le siècle, de pays en continents, à la suite de ce mystificateur de génie qui n’a de cesse de rebondir de pirouettes en pieds de nez. Un beau voyage en compagnie d’un personnage hors des sentiers battus, une jolie fugue à savourer , tout en finesse et humour.

L’art acrobatique de la fugue de Roopa Farooki, Gaïa, 2015 / 22€

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Calcutta, une dizaine d’années après l’indépendance de L’Inde. C’est dans cette ville cosmopolite où se côtoient avec plus ou moins de bonheur différentes communautés, que vit une famille d’anglo-indiens, les Ryan. Robert, le père, y avait une très belle situation dans un cabinet juridique renommé, jusqu’au jour où un jeune indien de bonne famille, Ronnen, reçoit la promotion que Robert convoitait depuis longtemps. Dégoûté, il décide de rentrer « au pays », l’Angleterre, où il n’a pourtant jamais mis les pieds. Ce projet ne ravit pas son épouse et encore moins ses deux filles qui ne veulent pas quitter ce qu’elles considèrent comme leur patrie … Ce roman coloré comme un film de Bollywood se savoure comme on suçote un bonbon ( anglais, of course) , mais sous couvert de légèreté, il amène à une réflexion pas si futile sur les notions de patrie et d’identité. A lire, avec Ravi Shankar en musique d’ambiance !

Adieu Calcutta de Bunny Suraiya, Albin Michel, 2015 /22€

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Une mort à Kitchawank, sous-titrée fort justement « et autres bonnes nouvelles » ! T.C. Boyle, une fois de plus, nous fait grâce de son talent non usurpé dans ce nouveau recueil de quinze nouvelles où l’humour se dispute au caustique. C’est drôle, acide, enlevé, avec toujours cette exigence d’écriture propre à cet auteur prolifique. Si vous ne connaissez pas encore Boyle, lisez-le en toute confiance, romans ou nouvelles, vous ne serez jamais déçus !

Une mort à Kitchawank de T.C Boyle, Grasset, 2015 / 22,90€

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Avoir un chien, un chat, voire un poisson rouge, c’est chouette, mais banal. L’héroïne sans nom de Catherine Siguret, rêve, elle, depuis sa plus tendre enfance d’avoir un mouton, ou pour être plus précis, elle est possédée par cet animal laineux et bêlant qui la fascine. Oui, mais voilà, elle habite dans un appartement, certes au rez de chaussée avec jardin, dans un immeuble très huppé de la place des Vosges, en plein Paris …. On se doute que ses voisins ne verront pas d’un œil attendri et compréhensif l’arrivée d’un ovin sur leurs terres ! Oui, mais voilà, notre cinglée est plus que déterminée et ira jusqu’au bout de sa quête, en ramenant de Corse l’objet de sa convoitise…. Siguret, en prélude de ce roman loufoque et inclassable, soutient que vivre avec un animal qui bêle n’est pas plus stupide que de s’abêtir avec un humain qui parle. Pour paraphraser Karadoc, c’est pas faux ! En tout cas, je vous promets qu’à la lecture de ce roman, on ne s’ennuie pas une seconde et qu’on rit beaucoup ! (Surtout dans les passages se déroulant en Corse, patrie du mouton baptisé Toi, déjà tout un programme !)

Le mouton de la place des Vosges de Catherine Siguret, Albin Michel, 2015/ 18€

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