LE PONT DES ESPIONS
de Steven Spielberg (Tom Hanks, Mark Rylance, Austin Stowell)
Spielberg est un des derniers cinéastes « classiques » américains en activité ou plutôt l’un des ultimes héritiers du grand cinéma hollywoodien.
Depuis le début de sa carrière, il alterne divertissements familiaux de qualité et oeuvres engagées, passant par exemple de « E.T. » et « INDIANA JONES » à « LA COULEUR POURPRE » ou « LA LISTE DE SCHINDLER ».
Récemment, le passable (« LINCOLN », « LES AVENTURES DE TINTIN »), voire le raté (« LE ROYAUME DU CRÂNE DE CRISTAL »), côtoie le bon (« MUNICH », « CHEVAL DE GUERRE »).
Se posant presque en professeur d’histoire « idéal », pas nécessairement chiant, il n’a de cesse de continuer d’explorer la trajectoire de son pays lors de moment clés dont, nous, les européens, ne comprenons pas toujours l’importance qu’ils peuvent revêtir pour nos voisins d’outre-Atlantique.
Travaillant pour la première fois avec d’autres tenants d’importance d’une certaine tradition hollywoodienne, Ethan et Joel Coen, il nous invite à se pencher sur un épisode véridique de la guerre froide, sujet de son nouveau film : « LE PONT DES ESPIONS ».
1957. James Donovan, un avocat en assurances d’un cabinet de Brooklyn, se voit confier, par la CIA, la défense de Rudolf Abel, incarcéré car suspecté d’espionnage pour le compte de l’Union soviétique. Parallèlement à cela, un avion de reconnaissance U-2 américain est abattu sur le sol russe et son pilote capturé. Notre homme de loi devra aller à Berlin pour tenter de négocier l’échange des deux prisonniers…
Dix minutes.
Oui, dix excellentes minutes où nous sommes captivés par la tension mise en place, sorte de chasse à l’homme rondement menée.
Vraie belle séquence d’introduction.
Et puis… c’est pratiquement tout (si, les costumes sont soignés).
La suite ressemble à une longue traversée du désert (j’exagère mais pas trop) pour le spectateur.
Rarement le père Steven aura échoué à ce point à s’accaparer un récit, à le transcender (que l’on aime ou pas) pour en faire quelque chose de signifiant.
Jamais l’on ne croit à une quelconque tension politique Est-Ouest (deux jets de pierre dans une fenêtre ne suffisent pas à retranscrire quelle pouvait être la situation inconfortable pour celles et ceux qui étaient soupçonnés d’être communistes ou d’avoir des sympathies – le maccarthysme est encore brûlant).
Pourtant, ce que l’auteur des « DENTS DE LA MER » affectionne est là : la possibilité de traiter de la grande Histoire par le biais de la petite via un être humain qui, confronté à des épreuves, se révèle.
Les comédiens ne sont pas en cause, même si Tom Hanks est légèrement en deçà de sa force d’interprétation habituelle.
Non, le problème vient de ce que fait Spielberg du scénario, réécrit majoritairement par les Coen.
Si l’on reconnait la touche des deux frangins, rapport à certains dialogues et gimmick (le rhume du héros), force est de constater que cela est totalement incompatible avec l’univers du cocréateur de DREAMWORKS.
Les responsables de « THE BIG LEBOWSKI » auraient du le tourner eux-mêmes.
On passera sur les lourdeurs utilisées (exemple : la caricatures des fonctionnaires allemands berlinois, rigides, les scènes du bus où Hanks se fait dévisager haineusement par les autres passagers suite à sa défense de l’espion russe et, vers la fin, lorsqu’il a accompli sa mission, tous alors lui sourient et le félicitent du regard).
En résumé, un long métrage sans saveur, anecdotique, sur un épisode passionnant.
C’est bien triste.
MIA MADRE
de Nanni Moretti (Margherita Buy, John Turturro, Nanni Moretti)
La vie n’est pas simple pour Margherita. Sa mère est à l’hôpital, sa fille est une ado turbulente, son frère est attentiste et le célèbre acteur US, qu’elle a embauché pour le drame social qu’elle est en train de réalisé, commet gaffe sur gaffe. Néanmoins, elle essaie de concilier tout cela en même temps…
Il est vrai que l’on pourrait dresser un lien entre Woody Allen et Nanni Moretti surtout après le « HABEMUS PAPAM » du transalpin (ah, ces membres du clergé jouant au volley-ball) où l’on retrouve les mêmes interrogations existentielles que le juif new-yorkais, mais pas traitées de la même façon.
Ici, Moretti se concentre sur un personnage féminin (alors qu’auparavant, il s’arrogeait la pole position) et reste, lui, en périphérie.
Margherita Buy, déjà employée par notre rital barbu préféré dans « LE CAÏMAN », incarne avec talent cette femme, en pleine crise de la cinquantaine, proche de l’abandon mais luttant avec énergie et passion face aux problèmes qui l’entoure.
Tendre, poignant, contrebalancé par un humour savamment distillé – peut-être un chouïa trop – par la présence de John Turturro, exquis en bravache imbu, « MIA MADRE » – sélectionné sur la croisette mais reparti bredouille – ne se livre pas d’un coup.
Il s’apprivoise, se fait désirer, se déguste.
On peut ne pas tout adorer à l’intérieur.
Il n’empêche, dans la droite lignée des Ettore Scola et Dino Risi, c’est un beau représentant de cette comédie à l’italienne, drôle et grave à la fois, que le monde entier n’a eu de cesse de copier sans jamais vraiment y parvenir.
TAJ MAHAL
de Nicolas Saada (Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Alba Rohrwacher)
Nicolas Saada fut un éminent critique aux CAHIERS DU CINÉMA, spécialiste du 7ème art asiatique et également de celui de l’Oncle Sam (ses commentaires sur Richard Fleischer sont assez justes).
Comme d’autres avant – et certainement après – lui, il passa derrière la caméra en 2004 pour un court, nommé aux Césars.
En 2009, son premier long, « ESPION(S) », polar sur un bagagiste d’un aéroport se trouvant embarqué dans une affaire opposant des agents secrets, a défaut d’être pleinement convaincant, avait un intérêt formel qui montrait ses influences, allant de Sidney Lumet à Bresson.
Maintenant, il nous revient avec « TAJ MAHAL ».
Louise, 18 ans, adore la photo et voudrait préparer une école. Lorsque son père part à Bombay pour son travail, elle l’accompagne ainsi que sa mère. En attendant d’emménager dans leur nouvelle maison, ils sont logés dans la suite d’un hôtel. Un soir, alors que ses parents sortent diner en ville, Louise, seule dans sa chambre, entend plusieurs bruits étranges venant des couloirs. Sortant un instant pour allez voir, elle n’a besoin de quelques instants pour se rendre compte que l’hôtel est la proie d’une attaque terroriste…
Inspiré d’évènements réels survenus en 2008 et issu d’une rencontre du metteur en scène avec l’oncle d’une des rescapée du tragique fait divers, ce thriller s’avère déceptif.
Hormis toutes les séquences se déroulant avant l’attaque, à l’extérieur, où Saada capte quelque chose de l’Inde et de ses mystères, dès que démarre le huis-clos à proprement parler, plus rien ne fonctionne.
Entre des péripéties dopées au Lexomil, une facture technique d’une étonnante pauvreté (des confrères m’ont dit que cela leur avait rappelés les meilleurs Dario Argento des années 70 – probablement des vendus à la solde a la production) et surtout des comédiens d’une fausseté intégrale (la pauvre Stacy Martin échappée de Lars Von Trier, l’exécrable Louis-Do de Lencquesaing), on a très m(a)hal.
BABYSITTING 2
de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou (Philippe Lacheau, Alice David, Christian Clavier)
Rien de très charitable à en dire, alors qu’en interview, l’équipe est plutôt sympathique.
Même trame narrative que l’opus 1, lieux différents – Brésil (de l’exotisme, coco) -, mêmes acteurs avec en guest-star, après Gérard Jugnot, un autre de la troupe du Splendid, Christian Clavier.
Encore un found-footage : on trouve une cassette, on la mate et c’est parti.
Après l’enfant à surveiller, la grand-mère.
Pratiquement tous les gags sont dans la bande-annonce.
On regrette amèrement « LA CHÈVRE » de Francis Veber.
MARGUERITE & JULIEN
de Valérie Donzelli (Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, Frédéric Pierrot)
Présenté inexplicablement (comme 90 % des autres représentants frenchies) en Compétition Officielle, cette année, à Cannes.
S’inspirant de la légende de Marguerite et Julien de Ravalet, ayant existé au XVIIe siècle, frère et soeur, s’aimant incestueusement et finissant décapités, Valérie Donzelli, n’ayant fait illusion qu’avec le cocasse « LA REINE DES POMMES » et cinquante minutes de « LA GUERRE EST DÉCLARÉE », confirme là son inutilité en livrant un conte d’une laideur quasi totale où le summum du surréalisme (qui pourtant vantait les mérites de l’amour fou) se réduit à mettre un baby-foot dans un salon d’époque et faire conduire un bourgeois d’alors dans une voiture moderne.
On ne s’acharnera pas sur le casting (Demoustiers, ressaisis-toi, tu vaux mieux !)
Crachant au visage de Jacques Demy et faisant un doigt d’honneur à Truffaut (à l’origine destinataire du scénario et qui ne voulu pas le tourner par effet de mode), Donzelli(t) déborde de partout.
L’affiche de la semaine : « DEADPOOL » de Tim Miller
Et si c’était le film de super-héros qui, en 2016, allait réconcilier tout le monde (les fans du genre et les autres) ?
Moins opportuniste et inutile que « LES VENGEURS » ?
Aussi agréable que les derniers « X-MEN » ?
En tout cas, ce poster annonce la couleur.