Cinéma

Y’A DU CINÉ DANS L’AIR ! – N°115

WONDERSTRUCK (Compétition Officielle) (sortie prévue le 15 novembre)

de Todd Haynes (Oakes Fegley, Julianne Moore, Michelle Williams)

 

Todd Haynes est un excellent metteur en scène, au sens classique du terme, même si ses longs métrages ne le sont pas toujours.
Que ce soit dans l’évocation des moeurs de l’amérique des « fifties » – et hommage à l’immense Dougles Sirk – via le sublime « LOIN DU PARADIS » ou dans le film-somme sur Bob Dylan « I’M NOT THERE » – au parti pris narratif original -, il excelle à retranscrire les époques dans lesquelles ses oeuvres prennent place.
Son « VELVET GOLDMINE », superbe déclaration d’amour au glam rock qui permit l’éclosion des Bowie et autres Brian Eno – et qui l’a fait connaître véritablement -, s’inscrivait de plein pied dans cette volonté artistique toute personnelle.
Acceptation de soi, libre-arbitre, trahison des ses idéaux sont ses thématiques récurrentes et leur traitement est convaincant.
Pourtant, en 2015, avec « CAROL », concourant déja pour la Palme d’or cannoise et abordant de nouveau l’homosexualité – à l’instar de « LOIN DU PARADIS », mais du côté féminin cette fois – il se rata en nous livrant un réquisitoire fade et pompeux, en dépit d’une maîtrise formelle indéniable.
De retour en compét’, sous la bannière des studios AMAZON, a t’il retrouvé sa plénitude ?
Ben et Rose sont deux enfants vivant à des époques distinctes et bien précises. Lui, en 1977, rêvant du père qu’il n’a jamais connu. Elle, en 1927, atteinte de surdité et fan absolue d’une actrice de cinéma. Tandis que l’un découvre dans les affaires de sa défunte mère l’indice qui pourrait le conduire à son père, l’autre, apprend que l’objet de sa vénération sera bientôt sur scène. Dès lors, nos deux juvéniles protagonistes vont se lancer dans une quête effrénée qui les conduira, par symétrie, à New-York…
Adaptant le roman BLACK OUT de Brian Selznick, paru en 2012, Haynes, hélas, se loupe encore une fois et dans les grandes largeures.
Bénificiant pourtant sur le papier d’une histoire forte et originale, retranscrivant pleinement des joies et de le dureté de l’enfance – Selznick sachant y faire car c’est lui à qui Scorsese doit la matière première de « HUGO CABRET » -, « WONDERSTRUCK » échoue à passionner et surtout à émouvoir.
En effet, notre californien de service s’avère incapable de créer un tant soi peu d’empathie avec l’ensemble des personnages principaux dont on se contrefout très vite de ce qu’il pourrait leur arriver.
Laissant sans cesse le spectateur à distance, malgré une musique au piano omniprésente lors des séquences en noir et blanc (correspondant à 1927) comme pour provoquer des climax émotionnels, – en vain – ce drame est d’une trop grande froideur pour un tel sujet.
De plus, même l’horrible série télé STRANGER THINGS capte mieux l’émerveillement de l’enfance, c’est dire le plantage.
Et ni l’actrice fétiche du réalisateur, Julianne Moore, ni la charmante Michelle Williams, présente dans trois plans à tout casser, ne parviennent à sauver quoique ce soit.
Restons poli sur la mise en scène, trop plan-plan pour un technicien de ce niveau.
On imagine ce qu’un Terry Gilliam aurait pu faire d’un truc pareil.
Y’a pas à tortiller, Todd Haynes est grave en perte de vitesse.
Et comme jamais deux sans trois…
Bref, ça craint.

 

 

BLADE OF THE IMMORTAL (Hors Compétition) (Sortie indéterminée)

de Takashi Miike (Takuya Kimura, Hana Sugisaki, Sôta Fukushi)

 

Chaque nouveau projet achevé du nippon fou, Takashi Miike, se doit d’être accueilli avec la plus grande des ferveurs, même si cela est inégal.
Ce serait trop long que je rentre dans les détails de la carrière du bonhomme, mais en gros, depuis le milieu des années 90, celui-ci a mis en boîte plus d’une centaine de métrages plus ou moins luxueux, dont à retenir une vingtaine de chefs-d’oeuvres (« AUDITION » qui le révèla sur la scène internationale alors qu’il avait déja sévi de fort belle manière avant, « ICHI THE KILLER » version uncut, « DEAD OR ALIVE 2 », « GRAVEYARD OF HONOR », « BIRD PEOPLE IN CHINA », « CROWS ZERO 2″…), une trentaine d’excellentes choses (« ZEBRAMAN », « VISITOR Q », « GOD’S PUZZLE »…, et le reste vaut vraiment le coup d’oeil, car il y a toujours quelque chose à sauver.
Présent pour la quatrième fois à Cannes, l’envoyé de l’Empire du soleil levant s’est lancé dans une version live d’un manga à succès, traduit chez nous par L’HABITANT DE L’INFINI.
AU XVIIIe, Manji, un samourai immortel, est engagé par Rin, une fillette, dont la famille a été massacrée par le clan redoutable Itto-Ryu et qui veut se venger à tout prix…
Retranscrivant avec bonheur la violence de la bd d’origine – le sang giclant des artères de façon jouissive, dans la tradition des chambara (films de sabres japonais) des seventies signés Kenji Misumi – bénéficiant de deux séquences de combats d’anthologie (l’ouverture et le final) et chorégraphiées avec force inventivité et sauvagerie, ponctué d’un humour noir tout particulier à l’ami Takashi, et en dépit de quelques scènes creuses lorsque celui-ci se tente des moments plus « sérieux », « BLADE OF THE IMMORTAL » – sans être parmi les plus grandes réussites du génial trublion – est un divertissement de haute tenue, couillue et intègre.
Une fois de plus, avec Miike, on n’est pas chez Disney (oui, fallait la faire).

 

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