Un essai d’Edwy Plenel pour se mettre en jambes avec l’envie furieuse de distribuer des baffes au monde politique dans sa totalité. « Un nervous breakdown » cher aux tontons flingueurs dont le dernier survivant nous livre ses mémoires. Pêle-mêle ensuite, le chat de Geluck s’expose aux côtés de ses maîtres, photographie à l’honneur avec Kollar, le photographe du monde ouvrier, la ville fantôme du talentueux Thibaut Derien et un hommage au grand Capa en BD. Pour finir, des recettes végétariennes et un fuck bien senti à la dictature de la balance qui, à l’approche de l’été va commencer à inonder la une des magazines de tous poils. En parlant de poils justement, un petit guide astucieux pour les barbus clôture cette nouvelle série de docs ! Enjoy !
Le manifeste d’Edwy Plenel sonne le glas. Celui des illusions du peuple de gauche mais aussi celui de la démocratie qui de jour en jour semble de plus en plus menacée, ballotée entre gauche et droite avec l’épouvantail du front national en ligne de mire. Plus beaucoup d’espérance et des urnes qui sonnent de plus en plus creux… Alors que faire ? Faire front, en premier lieu, se sentir responsable et s’unir contre les peurs et les haines… Le problème reste comment… Dans ces temps troublés de menaces et d’attentats terroristes, les réponses données par nos gouvernants ne semblent pas des plus efficaces sur les résultats, et de plus en plus dangereuses pour l’équilibre déjà plus que précaire d’une démocratie vacillante : état d’urgence qui s’éternise gommant au passage les libertés individuelles, déchéance de la nationalité, lois sur la surveillance, sur la sécurité… Edwy Plenel nous offre avec « Dire nous » une fine analyse politique. Ses propos sonnent justes, il les argumente en remontant le temps et l’histoire, citant Hannah Arendt, Pierre Mendès-France, Jaurès, Hessel, Gramsci, Edgar Morin, et bien d’autres encore qui avaient par le passé tiré le signal d’alarme… C’est à François Maspero qu’Edwy Plenel dédie ce livre. Maspero décédé au printemps dernier qui écrivait ces derniers mots : « Non, l’oubli ne passera pas par là. Et oui, les morts resteront parmi nous aussi longtemps que nous serons en vie et que, envers et contre tout, et même quitte à en crever, nous aimerons passionnément cette vie, la seule qui nous soit donnée, ce qui nous interdit de la gaspiller ». Il est temps de dire nous.
Dire nous d’Edwy Plenel, Editions Don Quichotte, 2016 / 15€
Fenêtres borgnes, affichage sauvage, devantures art déco aux mosaïques multicolores désormais délavées, peintures écaillées, rideaux sales et déchirés, rideaux de fer rouillés, lettres géantes manquantes ou de guingois… Les devantures captées par le regard de Thibaut Derien dégagent un sentiment d’abandon, derniers vestiges d’un passé désormais révolu… La fermeture de ces petits commerces a généré la désertification des campagnes et des centres-villes au profit des grandes surfaces tentaculaires en périphérie, détruisant pour le coup ce lien social qui nous fait aujourd’hui si cruellement défaut… « J’habite une ville fantôme » suscite une vraie réflexion sur notre société de consommation et sur ce que nous avons réduit comme peau de chagrin dans le bien vivre ensemble. Les photos de Thibaut Derien sont poignantes, brutales et empreintes d’une nostalgie dont la poésie n’est pas absente. Pendant dix ans, il a sillonné les petits villages, gravant sur pellicule une photographie de la France d’hier. On imagine ces petites boutiques achalandées, les ménagères et autres clients panier à la main faisant leurs emplettes sans barquettes sous vide ou sacs plastiques, la balance Roberval, les légumes emballés dans du papier journal… Une époque où on connaissait ses voisins et où on parlait de tout et de rien. Une époque révolue.
J’habite une ville fantôme de Thibaut Derien, Les éditions du Petit oiseau, 2016 / 25€
Né en Hongrie au début du XXème siècle, François Kollar a émigré en France dans les années 20. Il y apprendra les métiers de l’industrie automobile en devenant tourneur aux usines Renault de Boulogne-Billancourt. C’est dire qu’il connait bien les ouvriers et le monde du travail ! Après un passage dans l’imprimerie, il va se professionnaliser dans la photographie qu’il pratiquait jusque là en amateur. C’est en 1930 qu’il créera son propre studio et que son art va se révéler tout d’abord dans les milieux de la mode et de la publicité. Artiste de commande, il réalisera un photoreportage « La France travaille » où pour l’occasion il explorera aussi bien l’univers de la mine ou des usines, que celui des paysans et des artisans. Noir et blanc somptueux, innovation dans la prise de vue, lumière incroyable donnant vie et relief à toutes choses, les photographies de Kollar sont d’une modernité étonnante. Ses clichés du monde ouvrier sont d’une beauté renversante : les expressions, les regards de ces ouvriers, paysans ou artisans pris sur le vif, en disent long sur la dureté de leurs conditions de travail. C’est ce que je retiens de l’œuvre de ce grand artiste, trop méconnu, ses reportages (de commande toujours) en Afrique ayant, à mon goût, un aspect un peu trop prononcé de propagande colonialiste. Un sacré regard… Sublime, forcément sublime… Une exposition se tient au musée du Jeu de Paume, à Paris, jusqu’au 22 mai prochain.
François Kollar : un ouvrier du regard, Editions de La Martinière, 2016 / 35€
Les photos floues du débarquement prises au cœur de l’action, en première ligne … celles de la guerre d’Espagne (dont une célèbre qui a fait le tour du monde)… On connait tous au moins un cliché du plus célèbre et plus casse-cou des photographes reporters de guerre : Robert Capa. Fondateur de l’agence Magnum (avec Cartier-Bresson) Capa a couvert tous les évènements majeurs de son époque, sillonnant la planète du Japon à la Russie en passant par l’Afrique ou le Mexique… C’est à Gerdra Taro, l’amour de sa vie, qu’Endre Friedmann doit son surnom de Robert Capa. Gerdra (elle-même photographe de guerre) fut tuée au cours de la guerre d’Espagne. Capa ne se remit jamais de la mort de cette femme libre et passionnée, même s’il eut par la suite de nombreuses conquêtes (Dont Ingrid Bergman)… Florent Silloray retrace dans ce biopic le destin aussi tragique qu’extraordinaire de cet homme complexe et torturé, flambeur, buveur, écorché vif, ne semblant pas connaître la peur et n’hésitant pas à se mettre en danger. Toute une époque se déroule dans les tons sépia, on y croise les chemins de Picasso, d’Hemingway ou de Pablo Neruda… Capa est au Japon quand le magazine Life l’appelle pour remplacer un reporter en Indochine. Le 25 mai 1954, appareil photo en main, il sera tué après avoir sauté sur une mine… Florent Silloray laisse entrevoir par la grâce de son texte et de ses dessins aux couleurs « lavées » tout son respect pour cette légende, cette étoile filante qu’est devenu Capa… Et son admiration est communicative …
Capa l’étoile filante de Florent Silloray, Casterman, 2016 / 17€
En voilà un chouette (ou plutôt un chat) catalogue ! Celui de l’exposition de Philippe Geluck au musée en Herbe à Paris. Passionné d’art, le dessinateur belge a eu l’idée de détourner des œuvres connues du grand public… en y intégrant son célèbre matou ! En trente tableaux ou sculptures, Geluck revisite des œuvres majeures avec beaucoup d’humour, juste ce qu’il faut d’insolence, mais aussi une profonde tendresse et une admiration sans faille pour ses « maîtres ». Une vingtaine d’œuvres originales ont été prêtées pour l’occasion, avec celles du chat de Geluck en vis-à-vis (Seul Buren a refusé toute collaboration…) Si la couverture de ce catalogue publié par Casterman ressemble à celle d’autres BD du chat, détrompez-vous, vous n’avez en aucun cas affaire à une bande dessinée ! Sur chaque double page sont présentés les artistes en quelques lignes (juste ce qu’il faut pour avoir envie d’en savoir plus) ainsi que la représentation d’une de leurs œuvres. Sur la page suivante, celle de Geluck avec sa vision très personnelle de l’œuvre et de l’artiste, suivie de commentaires savoureux à leur sujet. Si vous habitez Paris, vous pouvez visiter l’exposition jusqu’au 31 août prochain. Pour les autres, il vous reste ce magnifique catalogue à feuilleter encore et encore !
L’art et le chat de Philippe Geluck, Casterman, 2016 / 14,50€
Une silhouette dégingandée, une tronche de beau gosse très latin lover, Venantino Venantini a imprégné son image dans bon nombre de films depuis les années 50 ( pas tous des chefs-d’œuvre, de son propre aveu). Il incarnait Pascal, le porte flingue flegmatique de Lino Ventura dans les tontons flingueurs, ce film culte dont il est désormais l’unique survivant. C’est donc toute une époque, un âge d’or du cinéma qui défile à l’évocation des souvenirs de Venantino, des films de référence aux plus somptueux nanars. Ses rencontres avec des monstres sacrés, les aléas des tournages, ses coups de cœur multiples, ses amitiés indéfectibles et ses coups de gueule, Venantino Venantini nous les raconte avec une belle humilité. Un acteur qui a la classe et en plus est d’une modestie et d’une gentillesse incomparables, ça ne doit pas se trouver si souvent dans le monde du cinéma ! D’ailleurs, il ne se destinait pas à ce métier : Venantino a fait les beaux arts à Paris avec Georges Braque comme professeur. Les arts et la peinture sont ses premières amours et j’ai cru comprendre qu’il n’était pas dénué de talent. Il tourne encore à 85 ans bien sonnés… Prenez-bien soin de vous, Venantino, on vous aime !
Venantino Venantini, le dernier des tontons flingueurs, Editions Michel Lafon, 2015/ 17,95€
Hirsute, de trois jours, savamment peignée, huilée et cirée, il existe plusieurs sortes de barbes et donc de barbus ! Une mode ? Un art de vivre ? Une philosophie ? Un peu de tout ça en fait !!! Dans tous les cas, un signe extérieur de masculinité affirmée, qui, semble t-il plaît aux filles qui la plébiscitent… Écrit par deux barbus qui revendiquent fièrement leur « barbitude », ce manuel de style explore les us et coutumes de ceux pour qui le rasoir est un accessoire superflu ! Petit tour d’horizon de la barbe à travers les âges, portraits de barbus célèbres, de la barbichette à la barbe fournie rien ne semble oublié dans ce manuel. Vous y trouverez également des conseils pratiques, messieurs, pour entretenir votre pilosité, pour la rendre douce et parfumée… Illustré de photos, de bandes dessinées, le ton de ce manuel est avant tout humoristique et joyeusement décalé ! Un livre pour les barbus présents et en devenir !
Jamais sans ma barbe : Manuel de style pour mec barbu de Carles Suné et Alfonso Casas, Marabout, 2016 / 12,90€
Le modèle féminin idéal que l’on nous impose à longueur d’écrans ou de magazines ressemble d’année en année de plus en plus à une tige de fil de fer qui ne respire pas davantage la santé que la joie de vivre. Combien de femmes se trouvent trop grosses, et combien cherchent (au prix exorbitant de sacrifices insensés…) à perdre une ou plusieurs tailles pour se sentir « belles » et dans la « norme » ? Allez ! Quasiment la plupart d’entre nous !!! Des charlatans de tous poils se précipitent à notre rescousse (moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, c’est un marché juteux…) nous proposant moult régimes, crèmes et autres poudres de perlimpinpin pour rentrer enfin dans le Graal d’un petit 38. Et force est de constater que ça ne marche pas… Pour trois kilos perdus dans la frustration, on en reprend cinq dans le mois qui suit ! La question se pose : POURQUOI vouloir maigrir ? Chloé Hollings, comédienne (catégorie touchée de plein fouet par ce diktat) a joué au yoyo avec son corps pendant des années, jusqu’au jour où elle a dit stop, décidé d’assumer ses rondeurs et d’aimer son corps tel qu’il est. C’est son expérience qu’elle relate dans ce livre où avec humour et sincérité, elle dépeint les affres de millions de femmes (grosses ou pas, d’ailleurs !) Depuis, Chloé, sans régime, a trouvé son poids idéal, en se posant les bonnes questions et en arrêtant de se torturer… Allez jeter un œil sur le site d’Élodie Sueur-Monsenert, une amie photographe de Chloé … Elle a été un vrai déclencheur dans la prise de conscience de Chloé, l’aidant par ses photos aussi superbes que bienveillantes à se regarder … vraiment. Le site d’Elodie est un pur bonheur ! Chloé… Nos rondeurs vous disent Merci !!!
Fuck les régimes de Chloé Hollings, Editions Payot, 2016 / 14€
Dans une précédente chronique, je vous avais présenté « être végétarien » où les auteurs nous donnaient les clés du végétarisme avec autant d’humour que d’enthousiasme. Et si on passait aux travaux pratiques ? Rien de plus simple avec « Végétarien facile » ! Une fois vos placards dotés des produits de base, il n’y a plus qu’à suivre les recettes clairement expliquées, et à saliver devant les superbes photos qui les accompagnent ! Les carnivores disent qu’un repas sans viande c’est de la bouffe triste ? Que nenni ! Les plats proposés dans ce livre de cuisine sont colorés, savoureux et parfumés ! A vos casseroles !
Végétarien facile (photographies de William Meppem), Editions Marabout, 2016 / 15,90€